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MONDIALISATION, TECHNOLOGIES ET INNOVATION DES SAVOIRS EN MÉDITERRANÉE

Michele Brondino

Historien de l’Afrique Méditerranéenne

Faculté des Sciences Politiques de Milan


1) Mondialisation et technique


Aujourd'hui nous vivons un tournant extraordinaire dans l'histoire de l'humanité: notre planète est en train de devenir "le village global" de MacLuhan car nous vivons en direct les évènements mondiaux transmis par les medias : c'est la civilisation de l'information, de la communication technologique qui nous projette dans un monde virtuel. De nouveaux imaginaires économiques, politiques mais aussi culturels et interculturels dépassent les frontières des états-nations et traversent les cultures locales.


Nous nous acheminons vers une société globale à l'enseigne de l'homologation collective de notre mode de penser, d'agir et d'être. Dans un essai intitule Psichè et Tekhnê, le philosophe U. Galimberti affirme que "ce sont les moyens de communication amplifies par la technique qui contribuent de manière exponentielle a l'homologation sociale et qui modifient notre expérience : non plus le contact avec le monde mais la représentation médiatique du monde qui rend proche ce qui est lointain, présent ce qui est absent, disponible ce qui autrement, serait indisponible […] C'est alors que les moyens de communication ne sont plus de simples " moyens" à disposition des hommes car, s'ils interviennent sur les modalités de l'expérience, ils modifient l'homme indépendamment de l'usage qu'il en fait et du but qu'il veut atteindre".


Nous assistons à un tournant historique qui fera époque : nous sommes passés d'un rapport de symbiose homme-nature, à l’âge de la technique où l'homme est en fonction de la technologie ; non plus sujet-individu de son propre destin mais dominé par la culture objectivée des moyens techniques dont la capacité de production est illimitée.


Prométhée, celui qui a prévu et qui nous a donné la tekné pour faire face aux carences biologiques de l'homme contre la volonté des Dieux de la mythologie grecque, Prométhée reste-t-il un point de repère pour l'homme ou la technologie de la mondialisation l'a-t-elle dépassé ? Selon Paul Virilio, la révolution technologique devient une tragédie de la connaissance, la confusion babélique des savoirs individuels et collectifs, la plus grande entreprise de transmutation de l'opinion jamais vue en temps de paix "


En vérité, aujourd'hui les processus de la globalisation (et/ou de la mondialisation) ont engendré des imaginaires contradictoires : les imaginaires de l'information et de la pensée unique, et ceux de la différence, ou mieux, des différences. Mais dans ce cas comme dans l'autre, la globalisation a provoqué et provoque un renversement total du principe de la réalité : c'est-à-dire que le virtuel se substitue au réel et modèle nos mode de représentation dans le temps et dans l‘espace.


Dans l’optique de Gramsci, selon lequel tout est culture, on peut se demander si la globalisation qui est le signe d'une nouvelle volonté hégémonique sur le plan politico-économique peut engendrer une nouvelle dynamique interculturelle, fondée sur un réseau solidaire d'échanges à tous les niveaux.


Qui aura le dessus ? La menace d'un nouveau colonialisme technologique et culturel ou. la possibilité d'un dialogue interculturel révolutionnaire porteur de nouveaux imaginaires, tel celui d'être citoyen du monde ou, selon d'autres penseurs, habitants du monde où l'altérité dérive du principe d'universalité et où les hommes et les cultures interagissent au sein d'un continuel processus de contamination ?


D'une part, la globalisation économico-financière des multinationales tend à rendre homogènes et uniformes les modèles de production et de consommation, sous l'empreinte de l'hyper - rationalité et de l'efficacité, ce qu'on appelle aussi le monde à la McDonald, le Mac World, qui provoque la disparition des « savoirs » locaux et des cultures traditionnelles, avec des conséquences désastreuses sur les économies et sur les sociétés locales (monocultures, désagrégation des tissus sociaux, avilissement et extinction des cultures traditionnelles, etc. ... )


D'autre part la vertigineuse prise de contact entre les différentes civilisations et les cultures "autres" lorsque le support d'une réelle connaissance de 1' « autre » fait défaut, ne fait que provoquer des déséquilibres et qu'engendrer des préjugés au niveau des valeurs et des identités.


À la mondialisation des informations et des communications, s'ajoute et fait face une multiplication des différences et des divisions culturelles. Il est donc fréquent que cette rencontre des civilisations et des cultures se transforme en conflit de civilisation et dégénère en guerres et en violences : c'est la thèse du politologue américain S. Huntington dans son célèbre essai The Clash of Civilizations dans lequel il se réfère en particulier à la situation de la Méditerranée ou se confrontent la civilisation occidentale, la civilisation arabo-islamique, la civilisation slave-orthodoxe outre les minorités ethniques et les problématiques religieuses, avec leurs fondamentalismes qui excluent le dialogue interculturel.


2- Mondialisation et Méditerranée


Où se situe la Méditerranée dans le bouleversement des processus économiques, politiques et culturels de la globalisation ?


La Méditerranée en est un moment central et paradigmatique au niveau planétaire, et spécifiquement au niveau européen. Connue toute autre région du monde elle est prise dans les affres de la globalisation économique, financière et technique.


Les retombées de la globalisation, présentée par le néolibéralisme comme une chance de développement pour la région, ébranlent les équilibres économiques et sociaux, mettent à nu le désarroi des institutions politiques et sociales devant les inégalités, mettent en crise les états, exaltent les vieilles et nouvelles fractures, et accentuent l'écart des niveaux de vie entre Nord et Sud, tout en renforçant l'homologation ou quelque fois la mort des cultures méditerranéennes par les cultures dominantes. Il West aucun secteur qui ne soit touché ou contamine par le phénomène de la globalisation C'est ce qu'essaie de documenter L'Encyclopédie de la Méditerranée (EDM) ce projet éditorial in progress depuis 1996, soutenu par l'Association Internationale "Sciences, Education et Cultures en Méditerranée (SECUM)".


Défini "structure Lire conflictuelle " par les stratèges, ce bassin est l'une des zones les plus névralgiques au monde, où se nouent de multiples rapports : d'espaces, de sociétés, de religions, de systèmes politiques, économiques et culturels Mais aujourd'hui la Méditerranée est devenue la nouvelle frontière entre monde développé et monde en voie de développement. Frontière qui dessine d'une part l'antinomie d'une aire du globe où les déséquilibres entre capital humain et ressources sont les plus importants et, d'autre part, la complémentarité des deux rives entre lesquelles subsistent de puissants liens historiques et des échanges millénaires au-delà de l'histoire évènementielle. Nous partageons l'interprétation de Predrag Matvejevie qu'il exprime dans son beau livre Bréviaire Méditerranéen : « La Méditerranée ne souffre pas les mesures trop étroites. C'est la trahir que de la considérer sous, l'aspect de l'eurocentrisme, comme un produit purement latin, romain ou roman, de l'observer du point de vue du panhellénisme, du panarabismes, ou du sionisme, de la juger d'après tel ou tel particularisme, ethnique. »


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