La diversité culturelle pour repenser le monde ?

Frédéric Jambu

Journaliste indépendant

Expert - Conseiller Culture, Politiques et Diplomatie culturelles à l'ICESCO

En décembre 2002, l’Assemblée générale des Nations Unies déclare le 21 mai, journée mondiale de la diversité culturelle pour le dialogue et le développement. Le printemps n’est pas que l’occasion de voir les bourgeons apparaitre ou les hirondelles nicher. Cette date est l’opportunité de se poser pour réfléchir et s’interroger. En 2025, où en sont ces notions de diversité, de dialogue, de développement ? Ont-elles encore un sens dans ce monde de plus en plus fracturé où les tensions sont toujours plus vives ? L’autre est devenu l’ennemi. L’échange, le dialogue sont devenus affirmations comminatoires ou invectives. Le développement n’est plus partagé mais, au contraire, pensé en termes égoïstes, voir égocentriques.

Devant ce triste bilan, faut-il se résoudre ou, au contraire, entrer en résistance ? A l’heure où le tableau semble bien noir, il est sans doute temps d’espérer, de construire, un nouveau monde.

2025, une année de célébrations et de symboles…

Certains ont pour projet d’organiser un grand défilé militaire à l’occasion de leur anniversaire. D’autres pensent à leurs conquêtes grâce à leurs drones, leurs avions ou leurs chars. Quelques-uns se rêvent toujours plus riches ou puissants…

Et pourtant, à l’occasion du premier quart de siècle de cette décennie, la Culture et le symbolisme seront à la fête. La littérature sera à l’honneur puisque nous aurons l’opportunité de fêter le centenaire de la naissance de Jean-Paul SARTRE. La musique ne sera pas en reste car 1925 voyait naître Pierre BOULEZ. Côté symbole, 2025 est l’occasion de rendre hommage au siècle de la naissance de Frantz FANON. Une des figures les plus influentes de la pensée anticoloniale du XXème siècle, Fanon a largement influencé les luttes politiques comme certains domaines académiques tels la philosophie, la psychologie et la pensée décoloniale.

Plus prosaïquement, et sans doute est-ce un paradoxe, 2025 fête aussi les 30 années du Processus de Barcelone. On peut parler de « paradoxe » puisque, en 1995, est lancée cette dynamique visant à établir un partenariat euro-méditerranéen pour promouvoir la paix, la stabilité et la prospérité autour de notre mer commune. En novembre, cette année-là, l’ensemble des Ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne et les 12 de la totalité des pays de la Méditerranée actaient le processus. Outre la coopération politique, économique et de sécurité, l’accord intègre également la Culture. L’objectif est alors de favoriser les échanges culturels pour renforcer la compréhension mutuelle entre les peuples. Malheureusement, tout le monde sait que, aujourd’hui, le processus est dans l’impasse, et c’est un euphémisme.

Toutefois, in fine, nous ne nous sommes pas vraiment éloignés de notre journée mondiale du 21 mai célébrant la diversité culturelle pour le dialogue et le développement.

« La Culture pour repenser le monde », un crédo revendiqué

L’ICESCO sera un acteur de cette journée. L’organisation va montrer la diversité de ses initiatives. Durant une grande partie de ce jour, elle va donner la parole aux responsables des Chaires que l’ICESCO a initié. Du Brésil à la Tunisie, de Dakar à Berlin, en passant par le Maroc et Paris, les prises de parole vont se succéder. Chaque Chaire va se présenter, faire un bilan de ses activités, évoquer leurs convictions… Les sujets « brulants » ne seront pas évités. « Bannir ou dissiper les quiproquos entre Orient et Occident, Cultures et Civilisations, Langues et Religions » sera une thématique forte et assumée des débats. C’est dans ce contexte que le « Réseau international des Chaires ICESCO : Pensée, Patrimoine, Lettres et Arts » se définira pour les années à venir.

Le 21 mai 2025 sera aussi l’occasion de faire découvrir les fruits d’un travail de fonds mené par la Direction de la Culture et de la Communication de l’ICESCO. Le « Dictionnaire critique de l’Impensé culturel » est un coffret réunissant 5 ouvrages différents et présentant 60 articles de penseurs, d’universitaires et d’artistes d’une grande variété de pays. La pensée est à l’œuvre mais pas uniquement. Les cinq ouvrages s’organisent autour d’autres journées célébrées à l’ICESCO. Journée internationale des Futures, des droits des Femmes, de la Philosophie… sont autant de thèmes ayant permis aux plumes de s’exprimer. Au fil des réflexions profondes se révèlent aussi de nombreuses photographies originales ajoutant de l’esthétique et du beau à l’ensemble.

L’ICESCO est certainement le réceptacle idéal et puissant pour célébrer la diversité culturelle. En effet, forte de ses 53 Etats membres issus des régions arabes, asiatiques, africaines, mais aussi, dorénavant, latino-américaines, l’organisation est le lieu même où les différences se côtoient, se parlent, tentent de se comprendre et de construire le monde de demain.