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Femmes De Grande Histoire : Pionnières, héroïnes de la civilisation islamique

Zoubeida BOUKHARI









Zoubeida BOUKHARI

Consultante indépendante en Culture, éducation

 et communication environnementale


 


 

Nul doute que l’âme serve de la femme primitive a ligoté nos aïeules qui gardaient le feu allumé dans la caverne, mettaient des enfants au monde et attendaient le retour du mari en se livrant à la cueillette ou à la culture,  travaux qui ne les éloignaient pas de leur « territoire ». Fait pour la chasse, la guerre, l’homme restait voué à l’aventure extérieure. Retenue par ses enfants dans le cercle étroit du foyer, la femme en a fait longtemps son royaume. Royaume intérieur où elle était servante d’amour, celui des enfants du mari et de la famille de celui-ci. C’était l’unique fonction qu’avaient nos aïeules et qui ne tenait dans leur vie que le temps de « servir l’espèce ».

 

Dès son avènement, l’islam confère une place considérable aux femmes à travers des droits intimement liés au message coranique. Ceci était un atout majeur pour qu’elles puissent évoluer et devenir maitresses de leur destin.

Au cœur de plus d’un millénaire d’existence, les femmes musulmanes ont chacune à sa manière marqué la civilisation islamique. Une chaîne témoignant de l’érudition féminine avait été constituée dans l’entourage immédiat du Prophète Muhammad ﷺ : Khadija, sa première épouse s’illustrait comme une femme d’affaires respectée, pilier moral et matériel. Aicha, émergeait comme source incontournable des « hadiths » et actrice politique majeure des premiers temps de l’islam. Néanmoins, le génie féminin en terres d’islam ne s’est pas cantonné à la sphère du pouvoir ou de la spiritualité. Il s’est exprimé avec éclat dans plusieurs domaines tout au long de la civilisation islamique et dans la quasi-totalité des terres d’islam.

 

Chaque observateur, c’est bien connu, a son observatoire privilégié ; celui où il se place et celui, quelquefois, également où on le place. Pour moi, c’est la méditerranée, en Afrique du Nord et plus précisément au Centre de La Tunisie, là où au 7ème siècle et dans les années 670 ap. JC., le Général Okba Ibnou Nafaâ Al-Fihri fondait la ville de Kairouan. C’était le début de l’ère musulmane en Afrique : les Omeyyades appelaient Ifriqiya la région qui correspondait à l’actuelle Tunisie et avaient fait de Kairouan sa capitale. Dans cette ville, qui fut, dans son âge d’or, un important centre de transmission des savoirs, naquit Fatima Al-Fihriya en l’an 800, au 9ème siècle.

 

Dans un univers d’instruction dominé par les hommes, Fatima Al-Fehriya avait reçu une éducation considérable grâce à son père Muhammad Alfihri, un riche commerçant. Ainsi lors de son immigration à Fès, elle avait su s’imposer par la compatibilité entre sa richesse intellectuelle et sa fortune matérielle qu’elle avait héritées de son père et de son mari. Elle fit, alors, construire la mosquée Al-Quarawiyyin qui avait une mission éducative. Cette mission lui attribua le statut d’université. C’était l’une des universités les plus prestigieuses du monde.

Fatima Al-Fehriya ou Omm Albanine telle qu’elle était surnommée avait, ainsi, ouvert la voie à de nombreuses femmes, inspirant les générations féminines suivantes à s’armer de savoir et à opter pour des études poussées. C’était une avancé historique pour l’éducation des filles. Quoique cantonné à des enseignements religieux, cela avait ouvert la voie  à leur émancipation intellectuelle et sociale et avait donné des chances à des générations de femmes qui à force de persévérance ont fait évoluer les mentalités pour obtenir davantage de droits et de reconnaissance.

C’est également à Kairouan qu’en l’an 735 ap. JC naquit Aroua fille de Mansour al-Himyari. Elle grandit dans sa ville natale où vers l’an 762 Abou Jaâfar Mansour, futur deuxième calife abbasside s’était établi puis l’épousa en s’engageant dans le contrat de mariage à la monogamie et à lui accorder le droit de demander le divorce et des indemnités dans le cas contraire. Cet engagement était exigé par Aroua avant le mariage. D’où la naissance du contrat Kairouanais qui était adapté à Kairouan aussi bien qu’en plusieurs endroits en terre d’islam. L’histoire de Fatima Al-Fihriya aussi bien que celle d’Aroua la Kairouanaise est un témoignage puissant du courage et de l’intelligence de femmes face aux contraintes des sociétés patriarcales. Tout comme les Saintes, elles sont perçues comme des figures rebelles revendicatrices de droits et qui ont combattu l’autorité patriarcale dans les siècles précédents.

 

A travers les siècles, toute civilisation confondue, un intérêt considérable a toujours été accordé au surnaturel au spiritisme, à l’étude du rêve ou à la magie ; autant d’éléments qui favorisent la place significative des Saintes. En Tunisie, les Saintes apparaissent comme des femmes puissantes, capables de défier l’autorité. Elles étaient l’incarnation du peuple et des révoltes. Quand les désagréments du quotidien nous assaillent (mal du ventre, maux de tête, foulure, contrainte du sort) nous sommes bien contents d’aller voir la vieille dame qui s’est installée dans le mausolée de la Sainte de la ville ou du village. Ces croyances traditionnelles sont jusqu’à nos jours tolérées. Le jet de sort, la fabrication de filtre d’amour n’entrainent pas de rejets de la part de la société qui fait entrer ces croyances dans la catégorie des superstitions. Leurs « zaouiya » (mausolées) sont particulièrement fréquentées par des femmes. Dans ce contexte, je convoque, d’abord, Lalla Manoubia connue également sous le nom d’Al-Sayida Manoubia dont le vrai nom est Aicha Al-Manoubia, née en 595 ap. JC à La Manouba, proche banlieue de Tunis, capitale de La Tunisie. C’était une femme d’exception. Elle avait témoigné de cette érudition féminine qui s’était étendue dans toutes les terres d’islam de l’Afrique du Nord. Ainsi, cette figure emblématique de l’érudition, étudiait les hadiths et les sciences de la jurisprudence islamique suite à une formation qu’elle avait reçue d’Abou Hassan Al-Chadhili. Celui-ci l’a entièrement soutenue pour aller de l’avant. Il lui accorda, à la tête de son ordre la « chadliyya », un attribut masculin : pôle de la confrérie. Elle dirigeait de ce fait les imams et allait prier à la mosquée Zitouna en compagnie des hommes.

L’inclusion de cette « Sayida » ou bien « Lalla » (qui veut dire grande dame tunisienne) avec ses succès, ses ambivalences inscrit cette aspiration au leadership féminin dans une continuité historique aussi bien que dans le défi du monde contemporain. Il s’agit d’un leadership animé par la conviction, celle que la tradition prophétique originelle et l’esprit du coran offrent aux femmes : une place que les interprétations ultérieures ainsi que les pesanteurs culturelles ont parfois cherché à restreindre.

 

Les divers récits de vie, ces fragments d’une Histoire féminine multiforme concernant l’épopée de ces pionnières, héroïnes tunisiennes de la civilisation islamique se composent, en fait, en une vision d’ensemble. A partir de ce contexte, mon regard ne peut s’empêcher de se porter vers le XXè siècle. C’est l’époque où avaient émergé en Tunisie ces femmes de guerre, dirai-je. Non pas qu’elles l’avaient faite mais qu’elles avaient abordé leurs univers dans un environnement arabo-musulman qui s’apprêtait au changement, et qu’elles tentaient à modifier. Elles naviguaient entre leur religion à laquelle elles étaient attachées, voulaient en être fidèles et leur prise de conscience du droit qui leur permettrait d’être femmes inscrites dans leur temps. Tahar Haddad-militant et féministe tunisien d’avant-garde était source de leur démarche combattive. C’était lui qui avait courageusement affirmé que l’islam violent rigoriste et misogyne devait céder la place à une religion plus sereine et spirituelle. Selon lui, il était impératif d’approuver que les femmes tunisiennes pouvaient jouir du droit d’être à l’aise dans leur environnement social tout en étant de bonnes musulmanes. En effet, dans ce contexte environnemental,

« le particularisme de la question féminin en Tunisie, qu’il soit ancien et profond ou récent et réversible, ne l’a jamais dissociée de la trame commune à l’ensemble de l’aire arabo-musulmane  », souligne Pr. Mohamed Zinelabidine dans son ouvrage L’Impensé Sociologique (p.29 ; Prélude).

Dans ce même ouvrage, l’auteur propose une relecture transversale de la civilisation musulmane en Tunisie à travers ses figures féminines. En mettant en lumière des femmes ayant influencé les sphères, religieuses, politiques et socioculturelles de la Tunisie musulmane, il réhabilitait une mémoire souvent marginalisée. Cet ouvrage remarquable interroge les récits dominants, déconstruit les stéréotypes et affirme, en s’appuyant sur une documentation rigoureuse que l’islam n’a jamais été monolithique sur la question du genre. Il contribue, ainsi, en ces temps où les regards se figent volontiers sur des images fragmentaires ou déformées, à explorer cette galerie de destin des femmes tunisiennes – qui ont chacune à sa manière marqué la civilisation islamique – revient à chercher des points de lumière, des preuves d’une vitalité intellectuelle et spirituelle féminine souvent sous-estimée, voire occultée.

« On retiendra surtout la voix d’une jeune tunisienne ; Manoubia Ouertani, qui en 1924 dénonça dans une réunion publique la condition de la femme musulmane et appela pour l’égalité des deux sexes. » (L’impensé sociologique / épitre1. p22)

Ainsi la

« tentative libératoire » des figures de militantisme « aura été initiatrice, néanmoins, d’une revendication maintenue et d’un combat revivifié depuis les années 1920 dont furent porteuses les figures emblématiques de la lutte pour les droits de la femme.» (L’impensé sociologique / épitre1. p.23)

Dans ce même ouvrage sont évoquées plusieurs figures féminines battantes ayant milité pour la même cause

« à l’exemple de Bchira Ben Mrad, Asma Rbai, Essia Ghalleb, Badra Ben Mustapha, Nabila Ben Miled, Mabrouka Ben Rabah, entre-autre militante pour une Tunisie Libre » (L’impensé sociologique / épitre1. p26).

Dans une époque plus lointaine, au XIIe siècle naquit Aziza Othmana, princesse tunisienne descendante de la dynastie beylicale des Mouradites. Elle était célèbre pour ses œuvres de bienfaisance. Ayant affranchi l’ensemble de ses esclaves, vers la fin de sa vie, elle constitua en habous la totalité de ses biens, fonda et participa au financement de l’hôpital de la rue El-Azzafine à Tunis, l’actuel hôpital Aziza Othmana. Tawhida Ben Cheikh attesta de son côté, de cette excellence intellectuelle de la Tunisie arabo-musulmane. Etant première bachelière de la Tunisie en 1928, elle partit poursuivre ses études universitaires à la faculté de médecine de Paris pour revenir au pays natal diplômée de médecine en 1936. Durant son itinéraire, elle s’est spécialisée en pédiatrie puis en gynécologie et contribua à la mise en place du planning familial, secteur dont elle devint directrice. Elle assurait en, parallèle, la fonction de cheffe de service de la maternité des hôpitaux, Charles-Nicole (1955-1964) et Aziza Othmana (1964-1977). Impliquée dans la société civile, elle occupait les postes de vice-présidente du croissant rouge tunisien et était également membre de l’Union Musulmane des Femmes Tunisiennes (UMFT) fondée par Bchira Ben Mrad.

 

Un fil subtil peut ainsi être, indéniablement, tissé entre les époques afin de confirmer que ces héroïnes ne sont pas des exceptions isolées mais sont les maillons d’une chaîne qui peut être considérée comme un guide sur un chemin de redécouverte nous invitant à une écoute plus attentive de l’Histoire : la grande Histoire où l’on puisse déduire que la femme, en islam a été et demeure, une architecte de la civilisation, une gardienne de la flemme. L‘ICESCO (Organisation du Monde Islamique pour l’Education, les Sciences et la Culture) en a fait un rappel salutaire lors de la cérémonie organisée à son siège à Rabat le 10 mars 2025 pour célébrer la journée internationale de la femme. Dr. Salim Al-Malik, Directeur Général, a, par ailleurs souligné

« l’engagement de l’ICESCO à promouvoir la place des femmes dans la société en reconnaissance de leur rôle dans le progrès et le développement. En outre, il a mis en lumière plusieurs figures féminines inspirantes parmi les savantes et écrivaines du monde islamique. Il a rappelé leur rôle fondamental depuis l’époque prophétique, en passant par l’âge d’or de la civilisation islamique jusqu’à nos jours. » (cf. Site web icesco.org / rubrique actualité).

C’est d’ailleurs dans le concert des discours contemporains sur l’islam, où les anathèmes le disputent aux apologies simplistes que la voix de l’ICESCO se propose comme une invitation à tendre l’oreille vers des voix que l’Histoire, trop souvent a choisi de couvrir. En effet, selon son communiqué de presse publié à l’occasion de son 40ème anniversaire, « la réalisation des objectifs fixés dans le cadre de sa nouvelle vision et de ses orientations stratégiques vise à faire de l’organisation un phare intellectuel international. Le but en est de contribuer au développement durable du monde islamique en adoptant une stratégie soutenant la création de système de connaissance et d’innovation et en renforçant les capacités des femmes et des jeunes pour les préparer aux métiers de demain et au leadership. » Ce faisant, l’ICESCO inscrit sa vision dans une perspective qui n’ignore pas la dimension humaniste aussi bien que culturelle de l’islam et qui cherche à dégager des continuités. Ceci propose résolument un cadre qui s’ouvre aux chercheuses pour la construction d’une identité civilisationnelle au féminin à travers la structuration d’un groupe de recherche : une structure ouverte à l’international dédiée aux chercheuses qui aspirent, d’une part à, restituer la dimension culturelle des temps révolus, en faire montrer le volume à partir des traces qu’il nous reste de l’écho des voix de ces figures féminines. D’autre part, ces chercheuses aspirent à déchiffrer la parution de celles qui ont marqué l’Histoire de la Tunisie et de la civilisation islamique dans les sources bibliographiques du passé depuis nos univers contemporains emplis de films retentissants, d’ouvrages littéraires et scientifiques réalisés pour ces femmes tunisiennes de grande Histoire.

Autant d’invitations à des immersions sonores et sensorielles ainsi qu’écrites pour continuer à faire de l’histoire de ces femmes, autrement et rester à l’écoute du monde qui nous entoure. Un monde tantôt différent, tantôt semblable à leur monde.

 

Le groupe de recherche, FEMMES TUNISENNES DE GRANDE HISTOIRE, porté par des femmes qui œuvrent pour l’adaptation socioculturelle tout secteur et territoire confondus s’investirait dans l’exploration des enjeux essentiels, voire le rôle des femmes dans les politiques d’adaptation, les dynamiques de coopération internationale relatives à la transmission des savoirs ancestraux, ainsi que les solutions innovantes imaginées pour répondre aux défis civilisationnels. C’est donc une structure qui pourrait être source d’enrichissement pour les œuvres de l’ICESCO dans le domaine de la recherche et la culture dans la mesure où cela offrirait un cadre de réflexion partagée qui trace le chemin vers l’action éclairée : une action au service d’un sujet aussi sensible qu’essentiel, relatif aux femmes tunisiennes pionnières, héroïnes de la civilisation islamique. De cette réflexion ressortiraient des pistes fortes vers une reconnaissance pragmatique et apaisée des qualifications remarquables et inspirantes des femmes musulmanes tunisiennes toute époque confondue. A titre indicatif, les pistes de réflexion suivantes :

  • Penser une société qui reconnait la pluralité sans se diviser, en dissociant le débat sociétal et religieux, relatif au genre, des luttes politiques.

  • Encourager et soutenir la recherche sur les femmes musulmanes.

  • Faire émerger une culture musulmane plus inclusive et représentative.

Ces réflexions ne seraient pas des fins en soi. Elles seraient des invitations à l’action qui repose sur la volonté courageuse de construire ensemble vers un changement constructif. Pour ce faire, dans un premier volet, ce groupe de

recherche  donnerait l’opportunité, à travers un agir volontairement positif aussi bien que constructif, de valoriser l’image ainsi que l’action des femmes tunisiennes ayant laissé leur empreintes dans des cités de civilisation du monde islamique ou bien au travers de l’histoire de leur domaine de prédictions (arts, culture, sciences, politiques, éducation etc.) en reconnaissance de leur contribution directe ou indirecte à la notoriété de leurs villes respectives dans un contexte où l’intérêt serait focalisé sur le pouvoir des cités des civilisations d’hier à aujourd’hui vers demain. Pour ce faire, des femmes remarquables du passé, contemporaines ou en devenir qui ont marqué leur territoire seraient conviées à s’impliquer dans ce projet.

La groupe de recherche s’investirait dans un projet symbolique et ambitieux porté par des femmes qui tout comme leurs aïeules seraient symbole d’un réel changement de mentalité et du rôle majeur des femmes dans la culture islamique actuelle. Il serait question de prouver que l’islam n’est pas un frein pour l’émancipation de la femme mais un levier. C’est, donc, un projet qui donnerait l’opportunité aux femmes tunisiennes de conjuguer rigueur historique et créativité dans un contexte où l’islam est orienté vers une modernité réfléchie. De ce fait, la voie à suivre se présenterait comme suit :

  • Préserver l’intégrité doctrinale tout en favorisant un engagement respectueux avec les communautés diversifiées des cités où des recherches seraient menées.

  • Renforcer l’éducation civilisationnelle islamique pour former des citoyennes profondément enracinées dans leur foi et capable d’un dialogue constructif en faveur de la femme musulmane.

  • Orienter les femmes impliquées dans ce groupe de recherche, particulièrement les plus jeunes, vers une conciliation entre maintien des traditions et adaptation aux mutations rapides du monde.

               

Le groupe de recherches -femmes tunisiennes de grande Histoire : pionnières, héroïnes de la civilisation islamique- aurait autant de perspectives d’orientation civilisationnelle pour l’ICESCO que de possibilités d’engagement citoyen bénévole pour contribuer à faire vivre, développer et valoriser le statut de la femme dans la civilisation islamique de son territoire, à savoir les communautés tunisiennes. Ceci a trait à certaines femmes qui ont la passion de faire découvrir la civilisation de leur ville, ses savoirs faire, ses artisans, ses lieux oubliés ou méconnus, de donner le goût de partir à celles et ceux dont l’exploration de ces territoires fait battre le cœur. Il s’agit là d’un contexte de géopolitique : la géopolitique des identités où s’insère le second volet du présent projet. C’est une géopolitique qui étudie le rapport des forces.

Néanmoins, ces forces n’existent que si elles ont conscience d’elles-mêmes. Puisqu’elles sont légitimes, elles créent des solidarités profondes, peuvent mobiliser leurs membres et les amener à se sacrifier. De la profondeur du sentiment d’identité dépend leur capacité à agir. Ainsi, le groupe de recherche en question aurait recours à une approche qui met en valeur dans le temps comme dans l’espace des interactions entre les sociétés et leur environnement civilisationnel.

La Tunisie est, en réalité, plurielle. Au fil des siècles, des civilisations multiples ont déferlé dans le pays. Ses villes étaient le théâtre de diverses expériences sociales qui toutes avaient leur façon propre de s’inscrire dans le milieu civilisationnel environnant. En combinant données matérielles et sources écrites se dessinerait une vision dynamique de ces relations attentives aux singularités et à la richesse des expériences humaines particulièrement celle des femmes. Des chercheuses rejoindraient ainsi les perceptions et les concepts  développés par les anciennes pionnières, héroïnes de la civilisation islamique en  Tunisie pour rendre compte, elles-mêmes, des rapports entre la société et son milieu :  rapport entre la société tunisienne et son environnement civilisationnel en adaptant ce qu’il est convenu en anthropologie d’appeler une perspective épique où  l’on cherche à la croisée de l’histoire culturelle et de celle des mentalités, à montrer comment même les mythes ont une histoire et comment ils reflètent en partie les angoisses sociales et / ou environnementales de leurs auteurs. La quête identitaire est, désormais, engloutie, dans les cités des civilisations tunisiennes où le vivre ensemble est marqué par la fierté des uns et des autres de leurs origines dans le respect de celles qui leur sont étrangères voire de confessions différentes. C’est comme le dit Saint Exupéry :

« si tu diffères de moi, loin de me léser tu m’enrichis. »

Ainsi, le groupe de recherche -femmes Tunisiennes : pionnières, héroïnes de l’histoire vise le partage et la tolérance sur lesquels repose la civilisation islamique.

 

Le groupe de recherche envisagé, focaliserait l’intérêt sur la transition civilisationnelle qui mènerait indéniablement à construire une belle dynamique autour de l’approche envisagée. Cette dynamique fournirait toutes les clés pour comprendre l’essor et les ambitions de cette histoire plurielle de la Tunisie. Ce groupe de recherche mènerait des travaux qui dépassent les horizons géographiques, débordent les cadres nationaux pensent le monde à partir des connexions et des relations. De ce fait, il serait source d’actions qui feraient appel au substrat culturel et civilisationnel des communautés qui dialoguent et qui, par conséquent, ferait des villes tunisiennes un carrefour de l’histoire et de la culture doté de la capacité de bannir les frontières et d’instaurer des ponts entre les civilisations. En effet, tout au long de l’histoire de l’humanité, en des temps où les relations internationales sont marquées par des tensions et des incertitudes, la culture se propose comme un langage universel, un trait d’union entre les peuples. Elle permet de tisser des liens au-delà des divergences politiques et culturelles, en mettant en lumière ce qui unit plutôt que ce qui divise.

 

Dans ces lieux chargés d’Histoire, où s’étaient établies ces figures tunisiennes emblématiques de la civilisation islamique, on ne peut que comprendre ce que l’Histoire raconte. D’où une idée qui s’impose : la grande histoire s’écrit dans le détail à partir de ces vestiges patrimoniaux qui nous rappellent les noms de leur bâtisseurs et bâtisseuses et nous guident vers ce que nous avons à faire dans le temps actuel, particulièrement si on veut conjuguer ancrage territorial, culture civilisationnelle, leadership féminin et ouverture au monde, en puisant, ferme, dans nos racines pour bâtir l’avenir. Ceci nous mène à aborder les thèmes suivants :

  • Coopération locale et développement durable : autant d’initiatives ancrées dans le bon sens et portées par la conviction qu’un territoire peut se réinventer tout en restant fidèle à son identité et sans bannir sa mémoire collective féminine.

  • Art de l’espace patrimonial : des travaux de recherche cibleraient un lieu porté par la même époque que celle de l’une des femmes pionnières de la civilisation islamique à côté des autres merveilles patrimoniales marquant d’autres époques.

  • Arts des costumes, peintures, sculptures, estampes, manuscrits, objets archéologique, bijoux : Ceci mènerait à une sélection d’œuvres-ressources qui permettraient d’éclairer non seulement le contexte culturel mais également les contexte économique, politique et religieux des époques charnières dans lesquelles ces grandes figures féminines tunisiennes que compte l’histoire avaient mené une active politique émancipatrice ayant enrichi leurs pays respectifs tout en marquant un tournant majeur dans l’histoire de la civilisation islamique.

  • La légende : puiser dans les écrits de ces époques où étaient forgées des légendes ainsi que des figures universelles autour des personnages de ces femmes tunisiennes de grande Histoire ayant associé volupté et courage, richesse et érudition, politique et féminisme.

  • L’icône : icône des luttes identitaires et émancipatrices, ces femmes fortes et indépendantes qui étaient emblèmes nationalistes de résistance affirment toujours, bel et bien, l’héritage antique de leur pays, La Tunisie. Elles fascinent encore et ouvrent la voie pour des chercheuses à s’en emparer et dévoiler leur mystère qui ne cesse d’être explorer à travers des siècles.

 

Cette civilisation islamique, qui regorge d’exemples où l’échange culturel a facilité le dialogue entre les nations, présente un cadre propice à l’ouverture du groupe de recherche Femmes tunisiennes de grande Histoire à l’international.

C’est là où s’insère le troisième volet du projet prévu. En effet, ce groupe de recherche pourrait être tourné à l’international à travers un axe important de l’approche prévue une fois le groupe crée. Il s’agit de la fusion de ce même groupe avec l’étranger à partir des communautés où se trouvent des converties.

Dans le monde, notamment en occident, les converties font preuve d’une dimension profondément personnelle de l’engagement religieux. La question d’altérité et de l’appartenance se trouve ainsi retournée : l’islam n’est plus seulement « une culture autre » à observer mais un chemin spirituel que des occidentales choisissent d’emprunter et d’Être, telles que les converties, issues d’une double, voire triple culture, c’est être riche de plusieurs histoires, plusieurs patrimoines, plusieurs langues et bénéficier de différentes visions du monde.  C’est être en capacité de passer d’un monde à un autre avec, le plus souvent, égalité et facilité tout en étant au clair avec qui nous sommes, avec nos racines. C’est pouvoir naturellement ériger des ponts. Dans cette optique, à travers des recherches-actions, actions par les paires, qui réunissent des converties d’ailleurs et d’autres établies en Tunisie, leur pays d’adoption, on parviendrait à illustrer comment l’environnement social, culturel et religieux pourrait devenir un levier d’adaptation et de rayonnement civilisationnels grâce à un leadership féminin engagé et visionnaire.

L’approche par les paires concernerait également les communautés tunisiennes où des Saintes musulmanes sont enterrées et dont l’histoire prouve qu’elles sont venues d’ailleurs, tels que des pays occidentaux (Espagne, Turquie etc.). Des travaux de recherches les concernant seraient menés en collaboration mutuelles par des chercheuses au sein d’institutions formelles ou bien informelles de La Tunisie et des chercheuses des pays respectifs de ces Saintes.     

 

Redécouvrir ces femmes tunisiennes de grande Histoire et les mettre en lumière est un projet porteur de message. Ce message, s’il en est un, pourrait être celui de l’ambition féminine qui ne se limite pas à des carrières individuelles. Néanmoins, c’est une ambition qui transformerait les Organisations, façonnerait, les sociétés dans un cadre où émergerait un espace de concertation, d’échanges formels et dans lequel un processus de construction de savoir pourrait s’opérer en se complétant et en confirmant que ces femmes remarquables ne sont pas des exceptions mais sont les maillons d’une chaîne. Ce sont des femmes qui rejoignent l’esprit de leurs prédécesseurs et sont partie prenante de la civilisation islamique : une civilisation plurielle au féminin pluriel.

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