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La Renaissance Africaine pour la libération, le développement, la paix durables en Afrique

Dialogue des générations des genres, des espaces


Babacar Diop


I / Renaissance et Education

Dans un ouvrage bien documenté, illustré avec des témoignages pertinents sur l’intéressante histoire de l’Ecole William Ponty qui a formé un certain nombre de cadres, intellectuels africains de l’espace francophone à l’époque coloniale et postcoloniale, nous avons pu relever un titre qui peut nous servir d’introduction.



















«Le samedi 8 décembre 1951 en fin d’après midi j’arrivai à Ponty en compagnie de mon inséparable ami Amadou Alassane Bousso. Ce que je découvris alors était simple merveilleux.

Une sorte de village de vacances avec une belle végétation composée d’arbres, notamment de manguiers et de toutes sortes de plantes ornementales, le tout procurant une indicible sensation de fraîcheur et de sérénité.


Le 14 janvier 1954, ce fut le tour du gouverneur Général de l’AOF lui-même, BERNARD CORNUT-GENTILLE de visiter l’école.

Mais Ponty, c’était surtout un esprit, une manière toute particulière d’être et de vivre. C’était d’abord concentrée dans un espace de quelques hectares, toute l’Afrique Occidentale Française car ils étaient tous là, Sénégalais, Mauritaniens, Guinéens, Soudanais, Ivoiriens, Dahoméens, Nigériens, Voltaïques fraternellement unis et s’enrichissant de leurs différences dans une sorte de merveilleuse osmose.

Ponty c’était le culte du travail bien fait, de la précision et de la rigueur, le culte de l’excellence sous la conduite ferme et vigilante de maître d’une bienveillante exigence. Ponty c’était enfin l’éducation à la liberté car c’est à Ponty que nous avons appris, que moi personnellement j’ai surtout appris à être véritablement libre, c’est-à-dire à assumer les contraintes de la liberté.


C’est à Ponty surtout que tous nous avons reçu cette formation qui nous a permis d’être des hommes responsables, de surmonter toutes les épreuves et de résister aux appels ensorceleurs des sirènes de la déviance.»

In 100 ans de la création de l’Ecole William Ponty, 1913 -2013 à l’initiative des Pontins pour le centenaire.


Ces propos auraient pu être appliqués à la devancière de Ponty. En effet, le professeur Abdoul Kane, auteur lui aussi d’un travail bien fouillé sur la longue histoire de l’Ecole de Médecine de Dakar, nous autorise à mieux suivre les linéaments de l’éveil des consciences en Afrique subsaharienne dans l’espace dit francophone


II / La place du Sénégal

Le professeur Abdoul Kane dans son ouvrage « Si l’Ecole de Médecine m’était contée», Dakar Presses Universitaires 2018) donne quelques indications qui permettent de mieux situer les contextes, les évolutions, le jeu des acteurs.






L’Afrique qui lutte engrange de nouveaux acquis.

De même qu’il y a eu des tirailleurs sénégalais, il y eut des «tirailleurs-la-pelle»: ce terme railleur et ironique désignait les recrues du service militaire, soumis au travail forcé et chez qui l’outil remplace le fusil entre les mains»? Mis en œuvre pour contrarier la «paresse nègre» des indigènes préférant «leur vie misérable mais libre et oisive au travail rétribué», le travail forcé fut même utilisé par la France grâce à des méthodes de persuasion souvent peu amenés: « discipline de fer et usage intempestif de chicotte, hygiène et nourriture plus que défaillantes, salaires de misère», «Travail forcéné et démesuré», dira Elikia MBoloko. Il sera aboli en 1946, après le vote de la loi portant le nom d’un certain Houphouet-Boigny qui en fut l’initiateur et le rapporteur.

Plus tard, en 1952, fut promulgué le code du travail d’outre-mer qui reconnut aux Africains le droit aux congés payés et aux allocations familiales et limite le temps de travail.

La formation des sages-femmes autochtones démarre en 1918 au sein de l’Ecole de Médecine de Dakar, avec comme centres d’application l’hôpital Indigène (qui deviendra Hôpital Aristide Le Dantec), la Maternité indigène, la crèche et l’Institut d’Hygiène Social. Les élèves sages-femmes provenaient d’écoles primaires ou des orphelinats de métisses. La première promotion de sages-femmes auxiliaires en 1921. Ces sages-femmes assuraient des accouchements mais jouaient également un rôle dans la formation des matrones ou encore l’éducation des mères.

C’est seulement après la deuxième guerre mondiale que les femmes ont eu accès au Baccalauréat et aux études supérieures.



Une autre grande figure masculine, cette fois-ci a eu un traitement particulier dans l’ouvrage.




On juge l’homme subversif, avec un «esprit sénégalais», qualificatif attribué à ceux qui, dans l’esprit colonial , auraient des velléités contestataires.


L’esprit sénégalais, lui coûtera encore une «mutation -sanction» à Dimbokro en février 1937.


La suite de l’histoire de celui que les Ivoiriens appellent le «Vieux», en effet , plus connue: le chef coutumier et planteur prospère deviendra leader syndical du Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) né du Syndicat Agricole Africain) puis du Rassemblement Démocratique Africain (RDA), député africain à l’Assemblée Nationale française, Ministre et Président de la République de Côte d’Ivoire.




Toutefois, il faut préciser que la réflexion sur la Renaissance Africaine est un exercice qui doit tenir compte de strates diachroniques et synchroniques, internes et externes à l’Afrique. Nous aurons l’occasion d’explorer ces différentes dimensions dans le programme annuel et quadriennal de la chaire.


En attendant on peut revenir sur le foyer incandescent que fut la ville de Paris et d’une manière générale la France qui a accueilli certains étudiants dakarois.


III / Afrique sur Seine et la Noire de...


Ces deux titres de célèbres cinéastes sénégalais (S. Vieyra et Sembène Ousmane) traduisent des dynamiques à la fois littéraires, artistiques, politiques, économiques et idéologiques.


Nul mieux qu’Amadi Ali Dieng n’a traduit les perspectives de jeunes étudiants africains, leurs sentiments à l’égard de certains de leurs aînés.

Dans les annexes de son ouvrage consacré à ses «Mémoires d’un étudiant africain, vol. I (1945-1960, Dakar, Codesria, 2011) il informe sur le tournant qu’a constitué le IIIe Congrès du RDA.




Il a été critiqué sur beaucoup de choses pour ne pas dire sur tout y compris sur l’expression Renaissance Africaine. Voici ce qu’il rapporte sur les relations entre la vieille et la nouvelle garde:






Notre collègue Abderrahmane Ngaïde a réussi à pousser notre «doyen» A. Ali Dieng à revenir sur certains évènements de la lutte pour l’indépendance (cf Entretien avec A. A. Dieng. Lecture critique d’un demi siècle de paradoxes, Dakar, Codesria, 2012, p. 50 et sq et sq.




Houphouët Boigny représente quelque chose qu’il faut analyser très sérieusement . Il a tenu compte de la situation de l’époque pour pouvoir tirer le maximum du pouvoir colonial. Le Sénégal a été le premier pays mis en valeur à partir de la culture arachidière et vers les années 50 Le Sénégal a perdu ce leadership du point de vue économique.; parce que l’essentiel des ressources de l’AOF étaient tirées des rentes produites par l’arachide et cela a permis d’embellir la capitale contrairement à Abidjan, sa concurrente.


En 1950, Abidjan allait prendre sa revanche. Et pourquoi? Parce que d’abord il y a eu la guerre de Corée. Les matières premières comme le café, le cacao et le caoutchouc étaient des produits stratégiques. Ceci a favorisé la Côte d’Ivoire. Premier élément. Deuxième élément, La Côte d’Ivoire n’avait qu’un wharf et n’avait pas un port en eaux profondes. On a percé le canal de Vridi et pour la première fois, la Côte d’Ivoire allait avoir un port en eaux profondes. Le port d’Abidjan commençait à devenir le premier port de l’AOF, alors que dans les temps anciens , les ports les plus importants étaient Kaolack et Rufisque, car il avait un wharf. Mais Rufisque sera par la suite supplanté par Dakar. En effet dès qu’on a aménagé Dakar, la ville de Rufisque perd sa superbe. Troisième élément important, Houphouët Boigny rallie la France en 1950. Il collabore avec la bénédiction de François Mitterrand qui était ministre des colonies. Donc tous ces éléments ont joué en faveur de la Côte d’Ivoire.


IV . Le porte étendard Cheikh anta Diop,

Dans l’ouvrage (Cheikh Anta Diop, l’homme et l’œuvre, Paris, P. A, 2003) que lui a consacré son fils C. MBacké Diop, l’activité du grand savant sénégalais au sein du RDA est bien soulignée.




Cheikh Anta Diop et le mouvement étudiant africain à Paris

L’action politique de Cheikh Anta Diop débute dès 1946, lorsque qu’il crée l’Association des Etudiants Africains de Paris. C’est effet à son initiative qu’est convoquée sa première Assemblée Générale d’où elle sera officiellement issue (AEA). Les statuts sont rédigés dans sa chambre d’étudiant, en 1946. Le premier président de l’AEA de Paris est Cheikh Fall. Amadou Mahtar M’Bow le deviendra aussi, quelques années plus tard.


Cheikh Anta Diop milite au sein du RDA

En juillet 1950, Cheikh Anta Diop prend la décision de militer au sein du Rassemblement Démocratique Africain (RDA), en un moment où ce parti subit une répression féroce de la part des forces colonialistes françaises: tel le massacre de Dimbokro en Côte d’Ivoire, le 29 Janvier 1950 et les jours qui suivent.

Pour Cheikh anta Diop, le RDA, bien traversé par une crise profonde, constitue un véritable mouvement africain porteur d’espoir pour l’Afrique. Il conjure ses dirigeants à mener le combat pour libérer le continent sous le joug colonial. C’est pourquoi, il rejoint l’Association des Etudiants du RDA (AERDA) dont fait partie le futur spécialiste de l’énergie solaire, Abdou Moumouni.

Le RDA avait été créé à l’issue du Congrès de Bamako, au Mali, qui s’était tenu les 18 -21 octobre 1946, un an presque jour pour jour après le 5e Congrès Panafricain de Manchester qui avait regroupé, en Angleterre , les pays anglophones autour du leader ghanéen Kwame Nkrumah, des intellectuels africains-américains William Edward Burghard, Dubois et George Padmore. C’est Félix Houphouët Boigny (futur président de la Côte d’Ivoire) membre fondateur du RDA, qui est élu président du RDA.


Une voie politique salvatrice: la lutte pour l’indépendance de l’Afrique et la création d’ Etat fédéral

L’apport théorique de l’AERDA est en partie synthétisé dans l’article intitulé : «Vers une idéologie politique africaine» que Cheikh Anta Diop publie dans le bulletin de l’AERDA, La Voix de l’Afrique Noire de Février 1952. Il est le premier africain à énoncer, en Afrique francophone, sous ses multiples aspects culturels, sociaux, économiques, industriels, le principe de l’indépendance nationale et de la constitution d’une fédération d’Etats démocratiques africains, à l’échelle continentale.



Peu de temps avant la création, en 1946, du Rassemblement Démocratique Africain, Cheikh Anta Diop croit en l’aptitude de Léopold Sédar Senghor à défendre les intérêts africains tels que lui, Cheikh anta Diop les conçoit. Il lui accorde son soutien en pays Baol-Cayor, lord d’élections locales.


Cependant, les événements ultérieurs montreront que Léopold Sédar Senghor adoptera une orientation opposée à celle prônée par Cheikh Anta Diop. C’est ce qu’illustrent, parmi d’autres, les passages suivants du discours de Léopold Sédar Senghor prononcé en 1950 devant l’Assemblée européenne de Strasbourg.


Cheikh Anta Diop salue ce mouvement de retour vers l’Afrique et souligne toute la beauté littéraires des œuvres des promoteurs de la Négritude. Il a tout spécialement pour Aimé Césaire, homme engagé, auteur du Discours sur le colonialisme, la profonde admiration et le tient pour l’un des plus grands génies littéraires de tous les temps.


Pourtant Cheikh anta Diop ne va pas se reconnaître dans le mouvement de la Négritude et expliquera dans le chapitre II de Nations nègres et Culture, ce qui le différencie de la précédente génération d’intellectuels négro-africains. En particulier, son désaccord est profond avec la conception senghorienne de la Négritude.


Un premier point de divergence porte sur les fondements linguistiques et plus largement culturels de la renaissance africaine. Cette question est traitée dans son article publié en 1948, « Quand pourra-t-on parler d’une Renaissance africaine? Déjà évoqué plus haut


L’apport de Cheikh Anta Diop en direction de ses aînés est bien reconnu par le Président Senghor lui-même, comme je l’ai signalé dans mon ouvrage (Propos d’un Africain sur l’Antiquité, Dakar, PUD, 2014, p.96).


De sorte qu’on peut se demander si influence il y a, est ce qu’il ne faudrait pas l’envisager partant de Cheikh Anta Diop vers les tenants de la Négritude. Le témoignages de la Léopold Sédar Senghor confirment cette hypothèse dans l’hommage qu’il lui a rendu:


« Je voudrais, tout de suite dissiper un malentendu. Il ya un domaine oùje n’étais pas d’accord avec le professeur C. A. Diop, c’était le domaine politique, e ne l’ai pas caché. Par contre, j’avais de l’admiration pour le grand chercheur qu’il était. J’étais le premier à reconnaître qu’il a joué un rôle décisif dans les découvertes des origines égyptiennes, non seulement de la civilisation négro-africaine , mais encore de la Civilisation de l’Universel...»


IV / Réalisme ou trahison

L’historien Yves Benot a tenté, sur la base des archives, de rétablir certains faits concernant par exemple l’attitude de certains députés africains dans le Parlement africain (cf son ouvrage, les députés Africains au Palais Bourbon de 1914 à 1958, in I. B. Kaké Afrique contemporaine; vol. 4, Paris, édition Chaka 1989.


«On a vu leurs liens avec le pouvoir : il peut leur arriver de s’abstenir sur la guerre d’Indochine, il peut aussi se faire que Senghor, en tant que leur porte-parole, dans un débat d’investiture, exprime le voeu pieux de la fin de la guerre, voire de la négociation. Ainsi, pour l’investiture de H. Queuille , le 30 Juin 1950 - ministère qui ne sera finalement pas constitué - il peut affirmer ceci, qui est équivoque : «le devoir majeur de la France en Indochine est d’y ramener la paix et la liberté». Comment ? En demandant à Bao -Daï d’»affirmer réellement son autorité en ralliant le peuple vietnamien». C’était juste trois mois avant les premières défaites militaires de l’armée de reconquête au Tonkin»


La position du R.D.A 1946 -1950

Et c’est à ce point qu’intervient la question de la place occupée par le RDA, en Afrique surtout, mais aussi sur le plan parlementaire. Apparentés à l’Union Républicaine et Résistante (U.R.R), c’est-à-dire les progressistes comme Pierre Col, d’Astier de la Vigerie, les parlementaires le sont , par cet intermédiaire, au groupe communiste auquel l’U.R.R est elle-même apparentée. Il en va de même dans les deux autres assemblées.


Les débats sur les évènements de Côte d’Ivoire, 1949 et 1950

Ces évènements graves seront évoqués dans les débats parlementaires, à l’assemblée surtout au début de 1950, mais aussi à l’assemblée de l’Union française, qui y consacre de plus longs débats. Dans la pratique, cette assemblée constitutive sert à peu de choses dans la vie réelle du parlement de la IVe République; ses propositions ou avis sont le plus souvent enterrés à l’assemblée, qui préfère tout recommencer, du moins quand il lui arrive de bien vouloir s’occuper d’un projet de loi concernant l’outre-mer, ce qui n’est pas exagérément fréquent. Mais les débats de cette assemblée inutile restent des documents précieux pour l’histoire. Donc, un premier débat a eu lieu le 17 février 1949, où d’Arboussier retrace les évènements, et rappelle l’interdiction du congrès à Bobo Dioulasso, Béchard, informé par Houphouët et d’Arboussier, leur avait promis d’enquêter sur ce sujet, mais la mission d’enquête administrative n’a jamais été envoyé...

On oublie que le débat concernait des évènements où les Africains ont été massacrés pour leurs opinions, et que les buts du RDA n’ont pas changé.


Le tournant des élections de 1956

Avec les dernières élections de la IVe République, le 2 janvier 1956, après l’unique dissolution de l’Assemblée par Edgar Faure , la représentation change encore de visage. Le RDA, qui en Afrique avait déjà récupéré aux élections locales de 1952, et qui, peu à peu est moins éprouvé par la répression, qui d’ailleurs en certains pays, surtout en Cote d’Ivoire, se trouve en terrain d’entente avec les métropolitains conservateurs, regagne largement le terrain perdu, et revient avec neuf députés: deux élus en Côte d’Ivoire, Houphouët et Ouezzin Coulibaly, deux autres au Soudan Mamadou Konaté (qui moura en 1957) et Modibo Keïta (qui était précédemment à l’Union française), deux en Guinée, Sékou Touré et Saïfoulaye Diallo, un au Niger Hamani Diori, un au Tchad, Lisette, un au Congo avec Tchicaya (dont l’élection est cependant acquise avec une marge plus étroite cette fois).



Problème économique et pacte colonial

C’est en effet dans ces années-là, vers 1952, que se dessine et se précise l’évolution dans l’exploitation des pays d’Afrique de domination française ; en 1949 on a commencé à exploiter les phosphates du Sénégal, en 1952, la bauxite en Guinée, en 1953 le fer en Guinée également, en 1952, la constitution de la société des mines de fer de Mauritanie (Miferma) annonce la mise en exploitation de celui de Mauritanie.

Sans entrer dans les détails de ce processus qui donne peu à peu la priorité aux intérêts miniers et aux multinationales sur les intérêts des planteurs, forestiers et des sociétés commerciales dites de «traite, on voit aisément qu’il exige non seulement un certain recrutement de main d’œuvre « autochtone....

Au demeurant, cette évolution dans le type d’exploitation a été précédée de grands travaux entrepris sur les crédits du FIDES qui ont surtout été employés pour développer et aménager les principaux ports, Dakar où des installations mécaniques vont permettre le chargement de l’arachide autrement qu’à dos d’homme, Abidjan où le canal de Vridi a été ouvert en 1950, à créer deux ou trois aéroports internationaux, à améliorer quelque peu les voies ferrées et le réseau routier.

Un dernier aspect du débat de 1949 concerne le secteur de l’enseignement et celui de la santé publique sur lequel les Africains insistent tous, pas seulement Senghor qui se trompe parfois de chiffres. Là-dessus, il faut insister parce qu’il y a encore des hauts fonctionnaires, comme ce directeur des affaires économiques d’A.O.F que cite Lisette, qui ne se gênent pas pour dire que des lycées, des hôpitaux, ... c’est très bien, mais une fois construits, il faut les faire fonctionner et ça coûtera cher sous-entendu : trop cher. Malgré tout, il y aura un peu plus de succès dans ce dernier domaine que dans celui des termes de l’échange et du pacte colonial : plus d’une vingtaine de lycées ont été ouverts, sans pour autant que l’on ait porté d’attention au développement de l’enseignement primaire.


La question de l’emploi des troupes africaines

D’autres luttes ont été menées contre d’autres éléments d’inégalité dans cette période, et avec certains résultats. Notamment sur les pension des anciens combattants africains, sur les soldes des militaires africains, sur la formation des officiers africains.

Quelques mois plus tard, lors des séances orageuses de décembre 1947, au moment de la grève générale, Hamani Diori, au nom du RDA doit intervenir sur le même problème , et rappeler la position du mouvement à propos d’un fait qu’il assume ainsi: « Dans le même temps, nous apprenons avec émotions que les troupes sénégalaises ont été employées contre les grévistes de Nice. Les CRS ont refusé d’agir contre les travailleurs en lutte pour l’amélioration de leur situation, et l’on a recours aux troupes d’outre-mer». Il est utile de signaler que d’autres soldats d’outre-mer, au Maroc notamment, s’apprêtaient à s’embarquer pour venir réprimer les grèves en France au début de décembre; la fin de la grève seule entraîna un contre-ordre.

Hamani Diori continue ainsi : «Je tiens, au nom des élus RDA, à m’élever contre cette utilisation des soldats noirs qui n’ont pas mérité de jouer ce rôle, après les immenses sacrifices qu’ils ont consentis au cours des deux guerres (Applaudissements de l’extrême - gauche).Sous toutes les latitudes, les soldats noirs ont défendu l’honneur et l’indépendance de la France contre l’ennemi.


La question d’emploi des troupes noires, particulièrement gênant pour les gouvernants d’alors , ne sera pas soulevée, ni pour le Vietnam, ni ensuite l’Algérie où elles seront transférées après la fin de la guerre du Vietnam. A la fin de 1958, de quoi ont été formés les premiers éléments de l’armée en Guinée indépendante, sinon de quelques centaines de soldats guinéens rapatriés d’Algérie et qui avaient d’emblée opté pour leur pays?Le silence et l’approbation tacite ne s’appliquent pas seulement aux tirailleurs sénégalais.


Les parlementaires et la vie africaine à Paris

A ce prix, qui est lourd, les parlementaires africains arrachent ça et là de petites améliorations, lentement au coup par coup, comme on l’a vu. Ils pensent aussi contribuer à créer, peu à peu, en France un climat plus favorable.

Mais si les électeurs sont en Afrique, il y a aussi de plus en plus d’Africains à Paris ou dans le reste de la France, avec l’accroissement du nombre d’étudiants.


Il y a aussi un autre groupe, celui des étudiants RDA qui n’est pas forcément ni toujours en accord avec la direction du RDA où s’exerce l’influence de Cheikh Anta Diop. Il ya l’organisation commune qui est la Fédération des Etudiants d’Afrique Noire en France (FEANF, les autres n’ont pas la patience de députés et sénateurs que le pouvoir pendant toute cette période s’efforce d’appâter avec des promesses dont le jeune Senghor se disait déjà saturé en 1945...Ils ne peuvent pas se taire devant le spectacle d’un régime qui, sous couleur de l’Union française, mène énergiquement ses guerres coloniales. Certains d’entre eux ont découvert une brochure rarissime en France, publiée par Nkrumah à Londres en 1946, sous le titre: «TOWARDS COLONIAL FREEDOM». Et c’est ainsi qu’ils en viennent à revendiquer, non plus cette application honnête de la constitution toujours promise et toujours différée, mais tout simplement l’indépendance.


La loi-cadre, ses décrets, ses déceptions

Avec les élections du 2 Janvier 1958 et la majorité de gauche qui semble s’en dégager, on en découvrira certes la fragilité dès le voyage d’Alger de Guy Mollet, mais l’illusion durera plus longtemps, quelque chose se remet en mouvement. La France ne peut pas mobiliser pour faire la guerre en Algérie et risquer en même temps d’avoir à faire à d’autres insurrections au Sud du Sahara. D’où la hâte du nouveau ministre de la France d’outre-mer, Gaston Defferre, fils du Defferre qui avait été candidat contre Diagne en 1924, à faire adopter sa loi-cadre présentée en mars 1956, elle est votée définitivement en juin, ce qui prouve bien que les lenteurs ou, comme on dit les pesanteurs du système ne pesaient pas lourd dès qu’il y avait une volonté politique d’aboutir. Les deux dates parlent : le projet est déposé le 19 février 1956 à l’assemblée nationale, moins d’un mois après la formation du gouvernement, l’assemblée de l’Union française l’examine le 13, le vote en première lecture a lieu le 22 mars à l’assemblée nationale.

Le début du débat sur la balkanisation

Le projet de loi tel qu’il a été adopté en jui, et qui ne valait au fond que ceque vaudraient les décret d’application qui allaient être soumis à l’assemblée à la fin de décembre de la même année, comportait cependant un arrière-fond, pour ainsi dire, dont les conséquences ont été graves. Il laisser de côté, dans le processus de démocratisation et décentralisation amorcé, les structures fédérales existantes pour s’occuper uniquement des territoires pris un par un. De là est née cette discussion sur la «balkanisation « de l’Afrique ex française.


A la vérité, en 1956 du moins, ce n’est pas directement à propos de la loi cadre que le débat prend une tournure aigüe, mais surtout dans les débats de la commission des territoires d’outre-mer, qui est aux prises avec cette fameuse révision du titre VIII, et dans la presse en octobre. , décembre, alors que le très vague espoir de négociation en Algérie se dissipe sous les coups de l’expédition d’Egypte franco-anglaise, de l’enlèvement de Ben Bella et de ses compagnons, la question de la «balkanisation de l’Afrique de domination française, selon le mot qu’ lancé Senghor, apparaît au premier plan du débat. Apithy ne partage pas les préoccupations de Senghor…


En face de quoi, on peut mettre en parallèle ce que déclare Houphouët au grand conseil de LA.O.F dont il devient président en 1957.


Au demeurant, la portée du problème a été fort bien comprise à l’époque, et l’on aurait tort de ne voir que Senghor et ses amis parmi lles adversaires de la balkanisation». Les étudiants africains sont contre, le nouveau Parti Africain pour l’Indépendance qui se crée en 1957 est contre, une forte fraction du RDA, avec entre autres sa section de Guinée, celle de Dahomey, bien d’autres sont contre ; les résolutions du grand conseil et des assemblées territoriales s’affirmeront dans le même sens. On aurait donc tort d’y voir un clivage R.D.A/I.O.M.


Bilan de la loi-cadre ; son oraison funèbre par Senghor

Malgré tout, la loi-cadre comme on il est convenu de dire ne restera pas sans effet, et surtout, elle apparaît, elle est évacuée dans sa mise en application , non comme un aboutissement, mais comme le début d’un processus qu’il faut continuer. Sur tous les plans, y compris sur la question de ce que la résolution du IIIe congrès du RDA à Bamako en septembre 1957 où le rôle de Sékou Touré est primordial, appelle « la démocratisation des organes exécutifs fédéraux existants» Mais la proposition de loi sur ce sujet ne sera pas déposée.


Le 18 mars 1958, dans ce débat sur l’amnistie des parlementaires malgaches dont il a été question plus haut. Senghor dresse en quelques phrases un bilan auquel il n’y a rien à ajouter : « Lors de la discussion de la loi-cadre pour l’outre-mer, j’ai dit qu’il ne fallait pas »balkaniser l’A.O.F, que la loi-cadre renfermait des contradictions et des insuffisances ; il m’a été répondu que j’étais un anti-français et que je ne représentais pas l’opinion des populations de l’A.O.F. Moins d’un an après, le grand conseil de l’A.O.F se prononçait à l’unanimité pour un exécutif fédéral, et il est admis aujourd’hui que la loi-cadre doit être amendée et complétée.


La vie parlementaire ne se résume pas tout entière dans les affrontements vifs et directs dont on a pu lire de nombreux exemples et qui sont les plus révélateurs des oppositions idéologiques. Mais le travail des commissions qui échappe à un certain formalisme des séances publiques permet une discussion plus étendue, celle dans laquelle s’élaborent des compromis. La vie dans l’enceinte parlementaire, comme on dit, suppose des contacts dans les couloirs, des conversations personnelles qui ne reflètent pas forcément la contradiction radicale des idées. Ainsi et également en dehors du parlement se créent ou se nouent des contacts dont certains seront durables.


Dès lors, on ne peut que constater le grande patience des parlementaire africains, pourtant talonnés à partir surtout de 1953 par la montée de l’aspiration populaire, à l’indépendance, par les déceptions et l’activité revendicatrice de ces populations, enfin par le radicalisme des étudiants à Paris et en France. Il est frappant qu’un groupe de thèmes se retrouve tout au long de cette histoire d’une douzaine d’années dans le discours de cette génération d’intellectuels africains qui siège au parlement français. Il y a, inutile d’y revenir, le rappelle des sacrifices des troupes noires pour la libération.


VI / En guise de conclusion et de recommandations

Dans l’exercice auquel nous avons participer pour le compte de l’Institut de Gorée sur les mécanismes internes de résolutions des conflits en Afrique de l’Ouest, nous avons été amené à puiser dans le patrimoine sociétal, intellectuel, spirituel africain pour contribuer à la résolution des conflits. (In Goree Institute, 2010 «Celui qui tue une fourmi avec soin peut découvrir ses intestins», la documentation de l’expérience , des médiateurs africains.












































Nous insistons sur le fait que l’écoute, les échanges, la patience permettent d’avancer dans la recherche de solutions. Notre collègue, professeur de philosophie et écrivain, Pape Abdou Fall n’a pas tort de souligner certaines vertus de la parole (cf. son interview dans le journal Quotidien du 26 Août 2021, p. 12 :

«La parole procure du pouvoir et le pouvoir permet de parler, elle est autant dominatrice que libératrice. Elle permet de promouvoir et de consolider la paix. Elle peut déclencher des génocides, comme elle peut aider à contrer les méfaits des nouveaux réseaux sociaux. Il n’y a pas de raison que notre continent ne puisse reprendre sa marche maîtrisée et contribuer à la redéfinition d’une nouvelle civilisation humaine épanouie et solidaire».

Les bonnes pratiques existent au niveau local et national (Cheikh NDiaye à Fatick, Seynabou Malle à Ziguinchor) dans l’ouvrage de Goree Institute signalé et dans le rapport des ONGs (ex Mouvement Africain de lutte contre la circulation des armes légères en Afrique de l’Ouest (MALAO).

Des programmes sont à soutenir (ex PAALAE), notre Association qui se déploie dans le cadre de l’éducation des adultes par une approche multilangue, multimédia et multiscript.

Nous espérons que la chaire pour la Renaissance Africaine va aider à renforcer des synergies fécondes.

Mon expérience, mes observations m’amènent à insister sur cinq aspects :

1. L’écoute, l’observation, la recherche fondamentale et appliquée ;

2. Sur la culture démocratique et républicaine

3. L’articulation entre savoirs, pouvoirs, responsabilités,

4. Le leadership concerté, inclusif impliquant cinq familles d’acteurs (société civile, mouvements syndicaux et patronaux, partis politiques, guides spirituels, religieux et coutumiers, forces de sécurité) pour une autonomie stratégique de nos nations africaines

5. La culture de l’évaluation et du devenir positif


Maat c’est la justice et l’équilibre salvateur.


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