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UNESCO/ ICESCO/ COP 27-Sharm El Sheikh- 11Novembre 2022 / Transition énergétique et Patrimoine vert




Pr. Mohamed ZINELABIDINE Ministre tunisien des affaires cultuelles (2016-2020) Directeur Culture, patrimoine, communication/ ICESCO Mesdames, Messieurs,


Les politiques culturelles, ayant déjà du mal, d’abord à se redéfinir dans nombreux pays en voie de développement, à survivre au sein des politiques holistiques pour le développement durable, enfin à se prioriser relativement à d’autres domaines de compétence largement plus importants qu’elle pour les pouvoirs publics, la question dorénavant, c’est comment vont-elles pouvoir survivre, de surcroît, aux changements climatiques, et toutes sortes de corolaires, à savoir les inondations, la destruction du couvert végétal, l’érosion, le réchauffement de l’eau et sa raréfaction ?


Certes, les changements climatiques en imposent pour tous les secteurs, provoqués par le réchauffement de l'atmosphère, les tremblements de terre, les tsunamis, l’accroissement d'orages violents, les sécheresses, les inondations... Pour autant, devrions-nous attendre que ces catastrophes se reproduisent pour agir, alors qu’il fallait prévenir suffisamment, en amont, contre ces vulnérabilités ? Il est clair que l’on assiste à l’augmentation de certains facteurs favorisant les maladies, réduisant sévèrement les ressources alimentaires ayant conduit nombreux experts à argumenter que, pour des raisons d'éthique et d’équité, nous avons le devoir d'agir rapidement pour freiner les effets de ces changements d’environnement, en toute urgence.


Sans conteste, entre principes élémentaires des « droits de la culture », et d’autres « droits à la culture », voyons de près les budgets accordés à celle-ci, ou ceux réservés au patrimoine ? Nombreux pays de tradition, d’histoire et de civilisation, peinent à trouver des finances adéquates, pour faire de la culture une immersion véritable, un progrès égalitaire, humain et matériel, solidaire et social, une économie numérique, tourisme alternatif et culturel durable, une éducation et formation, des arts et métiers, une sauvegarde et valorisation du patrimoine…. Leurs PIB culturels, en reste, ont du mal à émerger, alors que son poids dans le monde, en 2020, s’établit à 46.1 milliards d’euros, soit 2.2% de l’ensemble de l’économie mondiale. Et si c’est le cas, bien difficilement…. on comprendra mieux, ainsi, ce qui en est de l’enjeu culturel face à la disparition des paysages architecturaux, des monuments et sites archéologiques, des lieux de culte et de mémoires, des ateliers de production de biens culturels… Avec pour conséquences majeures la disparition des vestiges permettant la compréhension des faits historiques et socio-culturels, la rupture de terme de production artisanale…Quel gâchis pour les pays et l’humanité !


On comprendra mieux, dans l’absence d’une conscience culturelle individuelle et collective, et des enjeux qu’elle est censée porter et satisfaire, politiquement s’entend, pour nombreux pays en voie de développement, l’abandon de sites d’habitation qui impacte sur la chaine de transmission des savoirs, des savoir-faire et savoir-être, des mécanismes endogènes de résolution des conflits, d’éducation à l’environnement, l’abandon des jeux patrimoniaux, suspension des cérémonies culturels et cultuels, et j’en passe.


Alors que l’économie mauve est de 3,3% du PIB en Europe, qu’elle pourrait atteindre 6,3%, à horizon 2025. C’est juste pour attirer l’attention sur l’importance d’une approche transversale, en terme de production des biens et services culturels, et le bien-fondé d’une prise en compte d’une politique culturelle holistique et durable, y compris pour le patrimoine, préservation, valorisation, numérisation, formation, inscription sur les listes du patrimoine mondial Unesco et et Icesco, en plus de la lutte contre les transformations climatiques, objet de notre rencontre. Ces fondamentaux serviront à aborder les questions de disparition des matériaux de construction, et d’autres essences végétales liées à la pharmacopée suite à la sècheresse, à la destruction des paysages culturels à travers éboulement, chute de terre, de rochers, matériaux….


Les changements climatiques et désastres écologiques ont fait ravage, et le nombre des sites endommagés est passé de 35 à 62, pendant ces trois dernières années, dont 16 gravement. 33% des sites naturels et 83 sites classés patrimoine mondial parmi 252, sont également menacés, 63% des sites patrimoniaux sont en bon état, alors que 30% font l’objet de réserve et de crainte de grande dégradation dont 7% dans un état très critique. Enfin 31 sites répartis en 29 pays subissent le joug des dégradations climatiques, alors que nombreuses études prévoient que plus d’une centaine de sites inscrits sur la liste du patrimoine mondial sont appelés à disparaître, toujours en raison des changements climatiques, raisons suffisantes de changer nos comportements, de les adapter à l’utilisation des énergies propres, tout en multipliant les initiatives en faveur d’un patrimoine vert.


L’occultation de notre patrimoine est d’abord une responsabilité humaine, c’est bien nous qui en sommes responsables. La nature et les changements climatiques ne font que l’aggraver. Mais en amont, nous devrions agir, car les biens du patrimoine mondial sont affectés par le changement climatique, leur valeur universelle exceptionnelle aussi. Ces biens du patrimoine mondial favorisent, en effet, l’atténuation des méfaits climatiques et l’adaptation à l’écosystème dont quelques exemples en rapport à la régulation d’eau, du climat, le stockage du carbone dans les sites forestiers du patrimoine mondial, la transmission du savoir traditionnel pour une meilleure résilience au changement. Le développement durable n’est pas un progrès inconditionnel, celui du plus-être, celui du mieux-être. A vrai dire, ces sites classés patrimoine mondial, et depuis patrimoine de l’Icesco, sont eux-mêmes témoins de cette dégradation climatique et des transformations écologiques, des millénaires durant.


Ce n’est pas un progrès matériel, économique, quantitatif, que nous voudrions « sans vie, ni cœur ni émotion ni état d’âme ni mémoire ». Plaidons alors pour un développement humain durable où les biens du patrimoine mondial servent également d’observatoires du changement climatique. D’où l’indispensable partage de l’information sur un contrôle appliqué et testé, ainsi que sur celui des pratiques d’atténuation et d’adaptation. C’est la volonté même sur laquelle se déploient les efforts de l’UNESCO depuis longtemps, et l’ICESCO, de plus en plus, pour sensibiliser davantage les Etats membres, les Organisations, la Société civile et les experts sur les impacts du changement climatique et leurs méfaits sur les sociétés humaines et la diversité culturelle, la biodiversité et les services d’écosystème, et le patrimoine naturel et culturel du monde.


La prise en compte de la dimension climatique et écologique s’avère aujourd’hui essentielle à la culture, à la prise en compte des politiques de préservation du patrimoine et sa valorisation. Et pas seulement, la culture dans son aspect sectoriel et thématique, plutôt toute la culture. L’Icesco, dans cette quête réelle d’un sens et d’une conscience partagée aux enjeux de celle-ci, a appelé à la création d’un « Fonds de lutte contre les effets des changements climatiques sur le patrimoine ». Elle a appelé, également, multiplier les études dans ces domaines de prévention et d’intervention. Car il en est ainsi des événements naturels avec des conséquences fortement nuisibles pour les êtres humains, ce qui nous invite à réfléchir sur les phénomènes de vulnérabilités.


Il n’y a jamais de culture sans nature, et de nature sans culture. L’UNESCO en faisant évoluer et parfaire sa définition de la culture, l’ICESCO aussi, à travers ses textes référentiels. De l’une comme de l’autre, une notion de culture évolutive, comprenant les valeurs, les convictions, les pratiques et les objets matériels qui conditionnent la production et la reproduction de biens et de services tangibles et intangibles nécessaires pour satisfaire les besoins et répondre aux attentes. Bien des éléments qui montrent l’immanence de celle-ci et sa capacité à prévoir les changements pour davantage s’y adapter. Agir en amont certes, de façon physique, technique, scientifique et matérielle, sans doute, mais se rendre sensible davantage aux comportements humains. Certains spécialistes feront remarquer, à juste titre, que la résolution de ces problèmes environnementaux globaux dépendra, entre autres, des valeurs humaines autant de l'expertise scientifique. Partant, la culture devra anticiper ce qu’elle pourra apporter à l’adaptation aux environnements, malgré certaines réticences ici et là, à ce sujet.


Faudrait-il adapter notre question sur : « Mutations climatiques et patrimoine vert » à l’ensemble de textes et des ouvrages qui traitent d’un problème ayant trait, en même temps, à l'histoire écologique, l’écocritique, les théories et sciences culturelles, l'anthropologie, la sociologie et la psychologie sociale. L’approche humaniste nous servira à rappeler, relativement à ce changement climatique global, un débat nécessaire sur les responsabilités éthiques, les attitudes et les valeurs appropriées à ces changements.


Plus largement pour les établissements culturels, saisir la question sous l’angle des infrastructures matérielles et sociales, par l’amélioration des structures physiques, la protection contre les inondations, par les fleuves à grande crue et contre la mer, en cas de fortes tempêtes. Ou alors, par les changements des structures sociales, comme il en est des migrations provoquées par les grandes sécheresses ou inondations, dans certaines régions des changements climatiques. Nombreuses planifications des changements sont en cours dans la santé publique, l’économie, les finances, les assurances… Mais la perspective est plus générale quand il est question de l’adapter, plus généralement, aux évènements naturels catastrophiques et des réformes des infrastructures matérielles et sociales concernées. Il s’agit de réinventer la question du rôle des facteurs culturels, et de la culture, en relation et en rapport aux changements climatiques, en plus de la manière selon laquelle les croyances, les valeurs, les pratiques et les habitudes, ainsi que les techniques et les éléments matériaux des cultures, peuvent être en interaction avec les comportements des individus et des groupes sociaux à l’épreuve des défis posés par les effets du changement climatique. Il est proposé ici que l’éclaircissement des facteurs culturels qui contribuent à la vulnérabilité et à la résilience des sociétés pourrait nous fournir des approches supplémentaires significatives pour consolider la capacité des populations à faire face aux difficultés prévisibles sous l’effet du changement climatique.


Voilà un thème récurrent, celui des changements climatiques, qui s’imposera à la culture et aux politiques culturelles pour le développement durable, les années à venir durant, dont il faudrait trouver les moyens d’anticipation, et les réponses proactives, maintenant que la dégradation climatique se fait ressentir amplement et répercuter sur l’ensemble des secteurs culturels et patrimoniaux.

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