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La Dimension Africaine dans la littérature arabe












Ahmed Khaled

Ministre - Ambassadeur


Quelles sources arabes pour la connaissance

de la dimension africaine ?

Pour une suggestion modeste de ma part, concernant la place des Zanj «Noirs Africains» dans l’œuvre de Jâhiz, mon ami l’éminent Artiste et Homme de Culture Mohamed Zinelabidine m’a, en fait, dicté le thème ambitieux de ma communication : «La dimension africaine dans la littérature arabe». Quelle délicate et difficile tâche !

La littérature arabe est, en effet, un monde. Comment m’y aventurer et m’y retrouver pour aborder dans l’ensemble de sa production écrite, et dans un temps record de quelques semaines, la dimension africaine ?

Certes, il s’agit surtout d’une littérature spécifique pour approcher ce thème. C’est le domaine de l’historiographie, des récits de voyages, de la géographie descriptive. Cette littérature revendique par ses programmes et son style une place au sein de l’adab. La liste est longue et peut constituer toute une riche bibliothèque, comme celle de l’Ecole des Langues Orientales de Paris où l’on peut consulter, entre autres, les écrits d’al-Istakhri, d’al Balkhi, d’Ibn Hawqal, d’al-Bakri, d’al-Idrîsi, d’al-omari, d’Ibn Battouta, d’al­ Hasan al-Wazzân al Fâsi (ou Léon L’Africain), d’Abu-l-fidâ, d’al Ifrânî et d’autres...

Que désigne Bilâd al-Sûdân ?

Dans ces sources littéraires arabes médiévales, «Bilâd al-Sûdân» «Pays des noirs, c.à.d. l’Afrique Noire, acculturée à la civilisation arabo-islamique, ne désigne pas tout le continent africain, mais seulement un grand couloir plus ou moins large d’un bout à l’autre de ce continent. Il s’agit de la région Saharo-Sahélienne située au Sud du Maghreb et qui s’étend de l’Océan Atlantique à la Mer Rouge.

Jusqu’au XXès et au-delà de cette bande transversale, l’Afrique Occidentale des savanes du Sud et de la forêt est restée largement à l’écart de l’implantation de la culture et de la civilisation arabo-islamique.

Comment a été introduit l’Islam en Afrique Noire?

Ce n’est ni par souci de prosélytisme, ni par recherche du merveilleux, que les Arabes se sont intéressés au pays des noirs dès les premiers siècles de l’hégire, mais par attrait des marchandises de bon rapport (or, ivoire, bois précieux, clous de girofle, esclaves etc... )

Les relations entre cette partie du monde et le monde arabe remontent au temps du Prophète Muhammad qui, selon la tradition musulmane, entretenait, il y a quinze siècles, des rapports amicaux avec le Négus Abyssin.

Ce sont les Arabes commerçants qui ont introduit l’Islam dans le Bilâd al-Sûdân» dès la fin du Vllès après j.c. Beaucoup de dialectes arabes étaient parlés sur les grands marchés des pays des noirs

Ce qui accélère la diffusion de l’Islam, c’est la conversion spontanée des monarques et chefs de tribus africains qui rallient à leur foi leurs sujets animistes sans contrainte guerrière. C’est l’exemple du roi Zâ Kosy en 400h /1009J.c, souverain de Gao (Kaw­ Kaw) sur les rives du Niger, comme le rapporte le géographe al­ Bakrî (mort en 1097J.C). Pour les populations païennes, l’adoption de l’Islam est aussi un moyen facile d’échapper à la traite.

L’Islam au pays du Ghâna et en Afrique Subsaharienne

L’un des premiers textes arabes sur le monde subsaharien, celui du géographe al-Fazârî (seconde moitié du Its.h/VIIIs.J.C) désigne «l’Etat du Ghâna» comme «le pays de l’or», donc «pays de cocagne». Il ne s’agit pas du Ghana actuel seulement, mais d’une formation politico-géographique médiévale située aux confins Sud de la Mauritanie, du Sénégal et du Mali.

Ibn Al-Faqîh, mort vers 290h/903j.c, en donne quelques indications amusantes dans son Kitâb al-Buldân (Livre des pays). En voici ce passage: «Au pays du Ghâna, l’or pousse dans le sable comme des carottes (Jazar). On l’arrache au lever du soleil. Les habitants se nourrissent de mil (dhura et de haricots (lûbiyâ)... Ils s’habillent de peaux de panthère, car ces bêtes pullulent dans leur pays».

Ibn Hawqal est le premier voyageur et témoin oculaire arabe qui décrit, en 366h./977j.c, le Ghâna dans son «Kitâb al-Masâlik wal-Mamâlik» (Routes et Royaumes). Le Roi du Ghâna», dit-il, «est le plus riche de la terre à cause des mines d’or qu’il contrôle». Mais Ibn Hawqal ne livre pas d’autres renseignements sur sa visite au soudan nigérien.

Al-Idrîsi (m549h./l 154j.c), dans un passage de son ouvrage de géographie «Kitâb Rojâr» "نزهة المشتاق" «(Livre de Roger), repris par Al-Sacdî (m.vers 1065h/1655J.c) pour un renseignement concernant le Ghâna dans son «Târîkh al-Sûdân», est le premier à mentionner la coexistence des princes de race blanche et des principes de race noire au Soudan nigérien.

Au IXes.j.c, la poussée berbère aboutit au royaume d’ Awdaghust, qui sera vassal du Ghâna.

En 380h/990j.c, la ville d’Awdaghust est investie par le roi du Ghâna qui y installe un gouverneur noir pour surveiller les redevances des caravanes de ses vassaux berbères. Le Ghâna demeure pour un demi-siècle le royaume le plus puissant du soudan.

Al-Bakrî (m. en 487h./1094J.c ) nous en donne, dans son «Kitâb al-masâlik Wal-mamâlik» (Routes et Royaumes), de précieux renseignements. La capitale Ghâna se composait de deux villes. L’une, peuplée de Musulmans et comptant plusieurs érudits et douze mosquées. L’autre, située à six milles, était la ville royale avec un palais, des cases à toit arrondi, et une mosquée à l’usage des Musulmans venant en mission auprès du roi. Aux environs, s’étendait la forêt où vivaient les sorciers et les gardiens des idoles. La population ainsi que le souverain étaient fétichistes. Mais le Roi témoignait beaucoup d’égards aux Musulmans et choisissait parmi eux ses interprètes, son trésorier et la plupart de ses ministres.

Lorsqu’il apparaissait en audience, ses sujets animistes se prosternaient et se jetaient de la terre sur la tête, alors que les Musulmans manifestaient leur respect par des applaudissements.

Les descriptions du cérémonial impressionnant des rois de Ghâna et de Kâw-Kâw (Gao) par al-Bakrî offrent une série de détails qui révèlent à quel point l’institution royale africaine est valorisée. Al Bakrî rapporte, par exemple, que le repas du roi de Kâw-Kâw (Gao) qui doit être en principe musulman, est entouré d’un rituel particulier: danse des femmes au son du tambour (ou tam-tam), suspension de toute activité commerciale en ville pendant le repas du roi.

Awdaghust (sud Mauritanie), capitale du royaume vassal du Ghâna, est prise par les Almoravides (Al Murâbitîn) de yahya b. cumar (446h./1054j.c). Son fils Abû Bakr s’empare de la capitale Ghâna en 1076.j.c. A sa mort, en 480h/1087j.c. le Ghâna recouvre son indépendance.

En 599h/1203j.c, Soumangûrû Kant, souverain des Sasso, prend Ghâna; il y installe une garnison de païens et fait fuir les Soninké Musulmans à Walata qui remplace la ville de Ghâna comme centre caravanier et culturel Musulman.

Ibn Khaldûn dans ses Prolégomènes, parle de sa rencontre en 796.h/1393-4, avec Shaykh «Uthrnân, muftî des habitants de Ghâna; ce qui indique la persistance d’une communauté musulmane importante comportant un roi et un mufti musulmans.

C’est bien le prestigieux, éclat de la civilisation arabo­ musulmane dans le royaume nègre du soudan nigérien qui incite Dr Nkrumah, leader charismatique et homme de culture, à nommer son pays Ghana, dès l’accession de la Golden Coast à l’indépendance.

Les travaux de Lewicki sur les ibadhites de l’Afrique du Nord et au Soudan occidental ont montré le rôle que les kharidjites, et en particulier la secte ibadhite implantée également à Djerba, jouèrent dans la propagation de l’Islam au Soudan occidental pendant au moins deux siècles 750-950j.c. Ce grand orientaliste spécialiste du Kharidjisme, a montré avec certitude que les commerçants ibadhites avaient pénétré au Soudan Occidental (Ghana, Mali, Niger) bien avant les sunnites orthodoxes ; ils avaient probablement rallié à l’islam les premiers convertis soudanais. Il suffit pour s’en convaincre de se référer à l’étude de Lewicki qui exploite des documents Kharidjites et le «Kitâb al-Masâlik» d’ Al-Bakrî, étude intitulée «Traits d’histoire du commerce saharien : marchands et missionnaires ibadites au Soudan occidental et central au cours des VIIIé - IXe siècles j.c» (in Ethnografia Polska, 1964, n°8, p 291-311).

Plusieurs villes du soudan occidental, telles que Ghâna, Gao (kaw­ Kaw), Awdâghust, témoignent de la présence d’établissements marchands ibadhites venus de Tahert, de Wargla (sud algérien), du Sud tunisien et du Djabal Nafùsa. Les Kharidjites de la secte sufrite ont régné sur Sidjilmâsa, un des points principaux qui relient l’Afrique du Nord à la bande subsaharienr..e du Soudan Occidental. La dynastie ibadhite des Banû l-Khattâb à Zawîla (dans le Fezzân) a dominé la route commerciale reliant la Libye au bassin du Lac Tchad.

L’influence des ibadhites a imprégné l’architecture religieuse telle qu’on la constate aujourd’hui dans les formes des minarets qui rappellent celles des minarets de Djerba l’ibadhite et les minbars (chaires des mosquées) rectangulaires à l’exemple de celles du Mzab (Sud algérien). Mais en revanche, aucune trace du dogme ibadhite hétérodoxe dans la zone du soudan.

Le dogme Kharidjite a sûrement disparu sous l’influence almoravide sunnite malékite au Vè.s.h /Xlès.J.c, qui fut le grand siècle de la pénétration islamique au soudan occidental.

Témoin oculaire, Ibn Battouta qui passe à Gao(Mali) en 753h/1352j.c, loue le zèle des musulmans maliens à apprendre le Coran par cœur et à assister aux prières publiques ; ce qui donne l’impression que la Mali du Vlllès.h/XIVès.j.c était bien ancré dans la foi islamique. Au Xès h./XVIès.jc., l’Islam était bien implanté tout le long de la ceinture soudanaise de l’Atlantique au lac Tchad et au­ delà.

Bien que les masses rurales n’eussent été que peu touchées par cette religion monothéiste, l’Islam devenait après tant de siècles un élément de la scène familière et culturelle de l’Afrique occidentale subsaharienne, notamment dans les villes.

L’islamisation s’étend, donc, à l’Afrique Noire par le biais des caravanes, en particulier, mais aussi par voie maritime sur les côtes de l’Afrique Orientale, et progresse en profondeur.

Des états musulmans se forment également à l’Ouest et deviennent de véritables empires dans la région du fleuve Sénégal et dans la boucle du Niger. Les plus importants empires dans cette zone sont donc, comme nous l’avons signalé, le Ghâna (ancien royaume de Ouagadou (apogée au Xlé s.j.c), puis le Mali (apogée au Xllles.j.c) et le Songhaï (apogée aux XVlé.s)

Au XIIés, la haute Guinée fait partie de l’empire du Mali. Sur la côte guinéenne se forment, également, des royaumes dont celui du Bénin (apogée au XVé - XVIés). C’est l’actuel Nigeria qui a connu une pénétration islamique.

Les califats historiques n’ont jamais envisagé d’occuper une partie du Soudan Occidental (Bilâd al-Sûdân) dans cette bande subsaharienne.

Les Almoravides (al-Murâbitûn), Berbères voilés partis du sud de la Mauritanie et des abords du fleuve Sénégal (Ves.h/XIes.j.c), ont érigé leur puissance au Maroc et en Espagne musulmane, tout en gardant l’œil sur le contrôle de l’or subsaharien.

Il faudrait peut-être attendre la fin du XVIes pour voir, en 1590, le sultan al-Mançûr de la dynastie Saadienne marocaine lancer ses troupes avec l’artillerie légère portée à dos de chameaux pour investir la métropole Tombouctou et dominer la route de l’or et des esclaves. Les pays du moyen Niger resteront sous la mouvance chérifienne saadienne jusqu’en 1750.

L’Islam s’est donc acclimatisé surtout dans le milieu des intermédiaires commerciaux africains, notamment les Soninké (ethnie dominante de l’empire du Ghana). Son passage des villes aux campagnes, du littoral et de la bordure du désert à l’intérieur des terres tribales pastorales, s’est fait progressivement.

C’est un modèle d’islamisation spécifique qui se distingue par le respect des coutumes et des rites animistes ancestraux, un islam surtout sunnite (orthodoxe), simple, modéré et tolérant; et plus tard, un islam de confréries assez proche de certaines pratiques animistes et où dominent la Qâdiriyya et la Tijâniyya avec leurs marabouts.

Ce mouvement d’islamisation, contrairement à d’autres régions du continent Africain (Maghreb, Égypte et Soudan de Khartoum), n’a pas entraîné d’arabisation, à l’exception de quelques minorités de familles lettrées de cette région subsaharienne.

Certaines langues africaines, enrichies de mots d’emprunts arabes dans divers domaines, entre-autres les noms de personnes, ont rempli la fonction de relais dans la prédication orale et la culture africaine écrite en caractères arabisé.

C’est le cas du peul dans toute l’Afrique de l’Ouest, du Wolof au Sénégal, du Malinké/Julu au Mali, en Guinée et dans quelques autres pays voisins, du hausa, la plus importante langue du Bilâd al­ Sûdân, du Swahili, la langue de l’Est africain, c.à.d la langue bantu arabisée.

Avec la pénétration de la civilisation arabo-islamique, se crée un dynamisme commercial à partir de la ville de Sijilmâsa (sud-Est marocain), en passant par Awdaghust (ville berbère du sud mauritanien) jusqu’à Ghâna, principale métropole noire au Sud de cette zone bien avant la création de Tombouctou (Niger).

Un autre axe, au centre de la bande transversale du Bilâd al­ Sûdân, reJie·Tripoli; l’lfriqya (la Tunisie dans ses frontières initiales) et Wargala (Sud Algérie) à Gao (Kaw-Kaw), ville négro-africaine sur les rives du Niger.

Au Sud de la Libye et à l’Est du Lac Tchad, est créé, à la fin du IXes.j.c, le royaume de Kanem, rapidement et en majeure partie islamisé (actuel Tchad). Sa population juxtapose surtout Noirs et Arabes ; et un brassage des deux ethnies s’y réalise.

Le Ves.h/XIes.j.c, celui du royaume berbère Almoravide au Maroc, est le grand siècle de l’expansion de l’Islam dans les cours royales africaines situées aux terminus des routes caravanières transahariennes.

Comme le notent avec attention les auteurs arabes de l’époque, surtout al-Bakri (mort en 487h/1094j.c) dans son«kitâb al masâslik wa-l-mamâlik» (Routes et Royaume), la cohabitation entre musulmans et non musulmanns africains est remarquable.

Certaines métropoles africaines ont joué un rôle essentiel de transmission du savoir arabo-islamique ; c’est l’exemple de Ja (appelée également Dia» Djaba ou Zagha). C’est le lieu d’origine et de référence de nombreux lignages d’érudits Juristes (Fuqahâ) ouest­ africains, dès l’époque des grands empires du Ghana, du Mali (Vllé­ XVIés), comme l’empire Songhaï malien avec sa capitale Gao (Kaw­ Kaw).

L’empire du Songhaï, vainqueur du Mali, vers la fin du XIVés, est gouverné par la dynastie des Sonni.

Après 1493, une autre dynastie fixée à Gao, celle des Askia, fait de Tombouctou un véritable foyer de l’Islam noir. Ce sont les Askia que la conquête marocaine du Saadite Al-Mançûr éliminera.

Ibn battûta qui passe à Gao au Mali, en 753h/1352j.c, note dans son récit de voyages (Rihla) que les gens de cette métropole sont «anciens dans l’Islam. Ils ont de la foi et du zèle dans le iilm (savoir)».

Lorsqu’il est reçu par l’empereur malien Mensa Suleiman, il porte un intérêt particulier au cérémonial d’audience où la clique et les musiciens occupent une place privilégiée et raffinée ; il les décrit comme suit : «Devant le sultan, sortent les chanteurs tenant à la main des mandales d’or et d’argent... Dès qu’il est assis, on bat les tambours, on donne du Cor et on sonne des trompettes».

Tombouctou, héritière du premier foyer culturel Ja ou Zagha (Mali), est la ville savante par excellence au Soudan Central (Nord Niger actuel). Fondée au VIes.h/XIIes.j.c, son histoire effective ne commence qu’au vnrs.h/XIVes.j.c. Tombouctou n’était qu’une petite ville quand Ibn Battûta y passe à deux reprises en 753- 4.h./1352-3j.c

Un véritable brassage ethnique (arabe, berbère et négro­ africain) se fait dans ce principal centre du savoir acculturé à la civilisation arabo-islamique.

Mais la stratégie de compromis, de coexistence et d’osmose, demeure essentielle entre culture arabo-islamique et culture négro­ africaine.

La pénétration de l’Islam au Habasha et dans la Corne d’Afrique

D’autre part, plus au Sud-Est de cette bande transversale, au Habasha, nom désignant dans les textes arabes médiévaux le territoire et les peuples de l’Ethiopie et des régions limitrophes de la Corne d’Afrique, s’est constitµé dès la fin du IlIes.h/Xles.j.c un Etat musulman dans le plateau du Shoa Oriental, puis à Ifat (Awfât) sur ses bords Sud - Est.

lfat est devenu le foyer d’expansion islamique en Ethiopie. C’est le plus grand des sultanats et royaumes musulmans dans cette région, tels que le royaume d’ Adal qu’al-Makrîzî appelle, dans son «Kitâb as-Sulûk» " كتاب السلوك لمعرفة أحوال الملوك " «Zaylac» " زيلع " ou encore le royaume de Dawara, le sultanat de Bâli et d’autres dynasties africaines musulmanes qui occupent dans la Corne d’Afrique et ses environs une superficie plus étendue que l’Empire du Négus Abyssin.

Harar est devenue ville - Etat et grand centre de commerce et de diffusion culturelle islamique. Chrétiens et musulmans coexistaient. Mais, parfois, les relations entre sultanats et Empire Abyssin connurent des heurts, notamment avec l’arrivée au milieu du XVIes des forces navales portugaises sous les ordres de Christophe de Gama. Les Portugais soutenaient !’Empereur abyssin Claudius (1540- 1559) contre l’Imâm Ahmad Gran.

Dans leurs desseins impérialistes, les Britanniques incitèrent, au XIXe siècle, les rencontres violentes entre l’Empire Abyssin, d’une part, et l’Egypte du Khédive et le Soudan du Mahdi, d’autre part.

Il est à noter encore que l’extension de l’Islam dans la Corne d’Afrique, comme d’ailleurs au Mali, au Ghana, au Niger et dans les pays limitrophes, ne s’est pas accompagnée_d’une arabisation. Et, par conséquent, à part quelques exceptions dans les milieux lettrés, les population africaines de ces régions ont conservé leurs propres institutions sociales, traditions, coutumes et langues spécifiques.

L’exposé arabe sur l’Abyssinie que présente alc-Omarî dans ses «Masâlik al-absâr» (Itinéraires) où il fournit une liste de sept états musulmans dans la Habasha, est sans doute la meilleure référence médiévale.

Les langues éthiopiennes sont d’origine sémitique comme l’Arabe. L’Amharique est parlé par les chrétiens d’Ethiopie. Le tigré est parlé par presque tous les musulmans d’Ethiopie.

Le Harari est le parler des villes du Harar (Ethiopie Orientale). L’influence de la langue Arabe sur le Harari est grande. Le Harari est écrit en caractères arabes; et c’est, en fait, la rencontre de deux langues sémitiques sœurs, l’Arabe et le Harari.

Plus au Sud de l’Afrique Orientale, sur !’Océan Indien, la côte de Tanzanie est intégrée au commerce arabe avec des ports prospères : Kilwa et Zanzibar au XIIes.j.c.

L’influence des commerçants arabes, notamment celle des Omanais de la secte ibadhite qui dominait politiquement, a été grande dans le sultanat de Zanzibar, notamment au XIXes ; et de là, cette influence arabo-islamiquc a imprégné plus ou moins toute la côte du Kenya, la Tanzanie, et l’intérieur des terres, sur les routes commerciales qui traversaient les grands Lacs et atteignaient l’Ouganda, le Zaïre et la Zambie. Le réseau commercial, s’étendit aux îles Comores et à certaines parties de Madagascar.

L’on peut parler de civilisation Swahili sur cette côte Orientale d’Afrique, où la foi islamique a imprégné le style de vie urbaine.

La rencontre de l’Islam avec l’Afrique a été une aventure humaine féconde dans l’histoire universelle. L’Islam s’est adapté aux spécificités culturelles et sociales de l’Afrique noire.

Jâhiz et les Zanj

Le plus grand littérateur et penseur arabe du VIile et !Xcs.j.c., qui s’est intéressé au Zanj (Noirs Africains) dans ses écrits tels qu’ »AI-Bayân et« Le kitâb al Hayawân » (Le Livre des Animaux), est sans doute al-jâhiz, un Irakien de Basra (776-868Jc).

Il considère, en général, les Zanj comme peuplades primitives où l’anthropophagie n’est pas exclue par certains chefs de tribus sur leurs ennemis défaits.

Les Zanj (Noirs Africains) étaient des esclaves employés dans de dures conditions comme terrassiers pour débarrasser les marais de la Basse-Mésopotamie de la terre nitreuse impropre à la culture.

Excédés par la maltraitance, ils commirent en l’an 70h/689- 90j.c, du temps du Califat Omeyyae de Damas, des dépradations dans la région de Basra.

Quelques années, plus tard, en 75h/694-95, ils se révoltèrent sous la conduite d’Ibn al-jarûd, contre le satrape al-Hajjâj, et prennent pour chef Rabâh, un des leurs surnommé Sîd Zanji (Lion Noir). Cette rébellion a été difficilement matée.

Deux siècles plus tard, les Zanj (négro-africians), se révoltèrent encore. Mais cette fois, leur révolte prit une ampleur considérable et une tournure de « guerre sociale » dirigée contre le pouvoir du calîfat Abasside de Bagdad. Elle dura quinze ans de 255 à 270h/868-883j.c.

Cette révolte des Zanj embrasa toute la région de Basra et entraîna la métropole du Sud dans la tounnente. Basra fut mise à feu et à sang. La tragédie de cette ville martyre a été immortalisée dans un remarquable thrène du grand poète Ibn al-Rûmi, IXes.j, où il dit :

«دخلوها كأنهم قطع الليل إذا لاح لهم الظلام»

«Ils y sont entrés comme des masses nocturnes lorsque pointe la nuit ténébreuse» etc...

Nous trouvons l’écho de la montée du péril Zanj à Basra dans une épître de Jâhiz intitulée «Fakhr as-Sûdâncala-1-Bîdhân» (Eloges des Noirs contre les Blancs).

L’auteur y mélange des propos sérieux des Zanj avec d ‘autres propos plutôt drolatiques. Mais, nous y trouvons de remarquables passages dignes d’un ethnologue avant la lettre où Jâhiz évoque, en faisant parler les Zanj, les spécificités des Noirs Africains, notamment leur engouement pour la musique et la danse.

Ce sont, dit-il, «les créatures les mieux douées en danse rythmique, harmonieusement accordée aux percussion sur le tam­ tam, sans qu’ils n’aient besoin ni de leçons initiatiques ni de répétition. Il n’existe pas sur terre de meilleurs gosiers»/Fin de citation.

«هم أطبع الخلق على الرقص الموقع الموزون، والضرب بالطبل على الإيقاع الموزون من غير تأديب ولا تعليم. وليس في الأرض أحسن حلوقاً منهم»

Y a-t-il mieux pour conclure que ce texte de l’humaniste Jâhiz, musicologue et ethnologue avant la lettre. Ce grand esprit a su saisir une des spécificités des Zanj qui ont le rythme dans les veines, la musique et la danse étant pour eux un don de naissance.

«الرقص والموسيقى عند الزنج هبة في الموالد تجري في عروقهم»

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